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BES — BET

qui étoient citoyens Romains, quiuque ce fût un droit des citoyens Romains de n’y être point condamnés. Voyez Clém. Alex de Const. Apost. S. Irénée, Liv. V, Chap.28. Eusèbe, Hist. Eccles. Liv. III, ch.33.

La seconde espèce de bestiaires étoient, dit Sénèque, ép. 70, des jeunes gens qui, pour s’exercer à bien manier les armes, combattoient tantôt entr’eux, & tantôt contre des bêtes ; ou quelques braves qui par ostentation, & pour faire montre de leur assurance & de leur adresse, s’exposoient à ce dangereux combat. Auguste y produisit quelquefois de jeunes gens de la première noblesse, Suet. In Aug. 43. Néron s’y exposa lui-même. Id. in Nerone, 53. Et c’est pour avoir tué des bêtes dans l’amphithéâtre, que Commode fut appelé l’Hercule Romain, ainsi que Lampridius nous l’apprend. Vigenère, dans ses Annot. sur Tite-Live, Tom. I, p. 1434, & suiv. ajoute encore trois espèces de bestiaires. L’une est de ceux qui faisoient ce métier pour de l’argent. Une autre sorte de combat étoit quand on mettoit plusieurs gens armés tous à la fois contre plusieurs bêtes. Voyez Suétone dans Claude, n. 21. Enfin la dernière de ces sortes de chasses étoit quand on abandonnoit à tout le peuple confusément & en foule un grand nombre de bêtes sauvages, pour courir après & les tuer. ☞ Les premiers furent réputés infames & incapables d’aucun emploi. Ces spectacles se donnoient le matin : l’après midi étoit pour les autres gladiateurs. Il y en avoit qui se hasardoient d’attaquer même des lions sans armes. La manière d’éviter leur fureur étoit différente ; tantôt c’étoit par leur agilité ; tantôt en jetant quelque lambeau d’habit sur la tête de l’animal. D’autres lui tenoient fortement la gueule fermée, ou y enfonçoient leur bras si avant, qu’il étoit hors d’état de se défendre. On a vu des femmes s’exposer à combattre des bêtes féroces. On croit que ce sont les Athéniens qui ont introduit ces sortes de combats.

BESTIAL, ALE. adj. Qui tient de la nature de la bête. Belluinus, ferinus. Manières bestiales. Une fureur bestiale. Boucicault, vanté par notre Histoire comme l’honneur de la France, est décrit pour un bestial & stupide par Cortésius. Mascur.

Il est aussi substantif, & se prend pour bétail. Voilà bien du bestial. Ce bestial est bien mal gouverné & bien mal soigné, vos gens ne font pas leur devoir. Au reste, il ne se dit guère ainsi que par des gens qui se mêlent du bestial. Tous les autres disent plus communément bétail. Cependant une Ordonnance de Police du 5 Septembre 1635, dit qu’à cause des regratteries & intelligences qu’il y a au fait de la marchandise de bestial, qui se vend en débit, la viande de boucherie en est plus chère. Et Naudé dit dans le Mascurat : certain paysan du temps de Charlemagne confessoit avoir semé des poudres par les campagnes, afin de faire mourir le bestial. Tout ceci montre que la remarque de Furetière au mot bétail, est fausse, que l’on a dit bestial au singulier dans le même sens que bétail, & que bestiaux n’est point le pluriel de bétail, mais de bestial.

Dans bestial il faut prononcer l’s, tant au singulier qu’au pluriel ; au pluriel il fait bestiaux, qui lui est commun avec bétail, qui a pris ou retenu ce pluriel de bestial. On dit en françois, une grande nourriture de bestiaux. Il y a des charges de vendeurs de bestiaux.

BESTIALEMENT. adv. En bête. Belluino, ferino more, pecudis ritu. Les ivrognes vivent bestialement.

BESTIALITÉ. s. f. Bêtise. Stupiditas, stupor. La stupidité de cet homme a quelque chose de la bestialité. La bestialité des Princes & leur ignorance est bien dangereuse. Mém. de Comines. Ce mot n’est plus en usage.

Bestialité se dit du péché contre nature qui se commet avec une bête. Coitio cum bellua. On punit la bête même qui a été l’instrument du crime, on la brûle avec le coupable & le procès.

BESTIAUX. Voyez Bestial & Bêtail.

BESTIOLE. s. f. Petite bête. Bestiola. Il se dit particulièrement des insectes & de la vermine, comme fourmis, tignes, punaises, cloportes, &c.

Il se dit figurément & familièrement des jeunes personnes qui n’ont point d’esprit.

Cette fille fait la capable, & ce n’est qu’une bestiole.

BESTION. s. m. Terme de Marine. C’est le bec ou la pointe de l’éperon, ou la partie du vaisseau qui est le plus en saillie. Rostrum. Il porte ordinairement la figure de quelque bête, (ce qui la fait appeler bestion) & sur-tout celle d’un lion : ce qui fait que quelques-uns lui donnent aussi ce nom.

BESTISE. Voyez Bêtise.

BESTORS, ORTE. adj. Vieux mot, qui signifioit Traversé, oblique. Obliquus. Et tant fit les chemins bestors.

BESTOURNER. v. Invertere. Vieux mot, qui signifie, renverser, d’où a été fait Biftouruer.

Mes or vendent les jugemens.
Et bestournent les erremens.

Ce mot a été aussi employé pour tourmenter l’esprit, & le mettre hors de son assiette. Turbare, perturbare. On le trouve en ce sens dans Alain Chartier, où on lit ce qui suit : Par leurs paroles épouvantables & très-perceans le cœur & la pensée, m’avoit jà ces trois derroyées & séditieuses de caresses, bestourné le sens, & aveuglé la raison.

BET.

BÊTA. s. m. Terme bas, au moins familier qui se dit de quelqu’un qui est très-bête, c’est un gros bêta.

BÊTAIL. s. m. Terme collectif, qui signifie des bêtes à quatre pieds & domestiques, qui servent au labourage, ou à la nourriture de l’homme. Il ne se dit guère que des bœufs, des moutons. Pecus. On dit riche en gros & en menu bêtail, & non pas en gros & menu bêtail.

☞ On appelle gros bêtail, les bœufs, vaches, chevaux. Menu bêtail, les chèvres & les moutons, qu’on appelle aussi bêtail blanc ou bêtes à laine ; les bœufs & les vaches, bêtes à cornes. Les bêtes fauves sont celles qui sont sauvages dans les forêts. Il fait au pluriel, bestiaux, en prononçant l’s quoiqu’on ne dise point bestial au singulier.

Cette remarque de Furetière est fausse ; bestial se dit au singulier, voyez ce mot ci-devant : & bestiaux n’est point le plurier ce bêtail, mais de bestial ; bêtail n’en a point.

☞ BETANCOS, ou BETANZOS. Betanea. Ville d’Espagne, dans la Galice, près de l’Océan.

BÊTE. s. f. Animal privé de raison. ☞ Animal est le terme générique qui convient à tous les êtres organisés. L’Animal considéré comme privé de raison, d’intelligence & de volonté, s’appelle bête. Ainsi dans l’usage ordinaire, ce mot se prend par opposition à homme. On dit l’homme a une ame, & quelques Philosophes n’en accordent point aux Bêtes. Bestia, bellua.

La plûpart des Philosophes de l’antiquité ont cru que les bêtes raisonnoient. Plutarque a fait un discours assez grave pour prouver que les bêtes ont de la raison. Toute la secte des Pythagoriciens devoit être dans le même sentiment, parce que la métempsycose suppose que les ames humaines passent dans le corps des animaux ; & Platon dans son Dialogue ne nie point que sous le règne de Saturne les bêtes étoient en commerce de conversation avec les hommes. On a prétendu même qu’elles ont un jargon intelligible entr’elles ; & Porphyre rapporte que Tirésias & Apollone de Tyane entendoient leur langage. S. Basile lui-même a compté parmi les beautés du Paradis terrestre, que les bêtes y parloient. Mais plusieurs entre les modernes ont prétendu prouver que les bêtes n’ont point de sentiment, & que ce sont seulement des machines. C’est une opinion qui a été renouvelée par M. Descartes, Un Médecin Espagnol, nommé Gomesius Peretra, avança le premier ce paradoxe inoui ; car tout le monde étoit réuni à croire que les bêtes ont du sentiment. Il fut trente ans à en composer un Traité, qu’il a intitulé Antoniana Margarita, du nom de son pere & de sa mere. Il le publia en 1615, On ne lui fit pas l’honneur de réfuter son opinion, « & elle s’éteignit avec lui. Ainsi jusqu’à Descartes l’on a cru sans contestation que les bêtes connoissoient. On disputoit seulement entre les Philosophes, si les bêtes ont la faculté de rai-