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BIE

bien buvant & bien mangeant. On lui a donné des remède bien à propos. Cela n’est pas venu à bien, n’a pas profité. Il y avoit bien du monde à ce sermon. Cette affaire ira bien autrement qu’on ne pense. Cet homme fait bien tout ce qu’il fait, il dit bien. Ces vers sont bien tournés. Il a fait cela tant mal que bien. On dit qu’un homme voit bien clair ; pour dire, qu’il est bien intelligent. Il n’en faut parler ni en bien, ni en mal. Vous en parlez bien à votre aise. C’est bien dit. Bien loin que cela lui serve, il lui pourra nuire. Ce critique ne trouve rien de bien. Il s’emploie aussi dans la signification d’à-peu-près, environ. Il y a bien trois ans que je ne l’ai vu. Et quelquefois il ne s’emploie que par redondance, & pour donner plus de force à ce qu’on dit. Auriez-vous bien l’assurance de le nier ? Je le savois bien. Acad. Fr. On dit aussi, un homme bien fait, une femme bien faite ; pour dire, belle & de bonne mine. On dit aussi par interjection, Hé bien ! qu’est-ce ? hé bien ! achevez. On dit aussi, bien bien, quand on veut témoigner quelque approbation, ou faire quelque menace. Vouloir bien, donner son consentement.

Bien, employé pour marquer le superlatif en françois, ou le plus haut degré des qualités des êtres, est pris ordinairement comme synonime à très & à fort, & l’on dit dans le même sens ; très sage, fort sage, bien sage. Cependant ils n’ont pas la même énergie, & il y a entr’eux quelque petite différence.

☞ Le mot de très, dit M. l’Abbé Girard, paroît marquer précisément le superlatif, & le représenter comme idée principale, sans mélange d’autre idée ni d’aucun sentiment. C’est ainsi qu’on dit, Dieu est très-juste.

☞ Le mot de fort, marque peut-être moins le superlatif, mais il y ajoute une espèce d’affirmation. Ainsi quand on dit, les hommes sont fort mauvais, on fait autant d’attention à la certitude qu’on a de leur méchanceté, qu’au degré où ils la portent.

☞ Le mot de bien marque encore moins le superlatif que fort, mais il exprime presque toujours un sentiment d’admiration. C’est ainsi que l’on dit la Providence est bien grande. Vous êtes bien hardi de me parler ainsi ! on exprime peut-être moins le degré de hardiesse, que l’étonnement qu’elle produit.

☞ M. L’abbé Girard trouve encore une autre différence plus sensible entre ces mots, c’est que très ne convient que dans le sens naturel & littéral. Quand on dit qu’un homme est très sage, cela veut dire qu’il l’est véritablement, au lieu que fort & bien peuvent être employés dans un sens ironique, fort, lorsque l’ironie fait entendre qu’on pêche par défaut ; & bien, lorsque l’ironie fait entendre qu’on pêche par excès. C’est être fort sage que de quitter ce qu’on a, pour courir après ce qu’on ne sauroit avoir ! c’est être bien patient que de souffrir des coups de bâton sans en rendre !

☞ Je ne crois pas cette distinction aussi bien fondée que la première, & je ne vois pas pour quoi le mot très ne pourroit pas se prendre ironiquement. On le prend tous les jours dans ce sens là dans la conversation.

On dit proverbialement, bien attaqué, bien défendu. autant vaut bien battu, que mal battu. Un fou avise bien un sage. On dit aussi, nul bien sans peine ; pour dire, que tout ce qui est avantageux, coûte à acquérir ; que c’est un grand bien qu’une chose soit arrivée ; pour dire, que c’est un grand bonheur ; & qu’on n’aura ni bien, ni repos qu’une chose ne soit faite ; pour dire, qu’on ne fera point dans un état tranquille, que cela ne soit fait. Acad. Fr. Quand biens viennent, ils viennent en monceaux. Bien est en sa maison, qui de ses voisins est aimé.

Vicinis gratus, sibimet solet esse beatus.

BIEN-AIMÉ, ÉE. adj. Qui est fort chéri, qui est aimé par préférence à tout autre. Dilectus. C’est son fils bien-aimé, sa fille bien-aimée. Dans le Baptême & dans la Transfiguration de Jésus-Christ, on entendit une voix du ciel, qui dit, celui-ci est mon fils bien-aimé.

Bien-aimé, est aussi substantif. C’est le bien-aimé de la maison, c’est la bien-aimée de sa mere. Il est dit dans l’écriture, qu’au jour du Jugement, Jésus-Christ dira aux Elus, venez les bien-aimés de mon Pere.

BIEN-DIRE. s. m. Langage poli & éloquent, manière de s’exprimer agréable & engageante. Ils sont les arbitres souverains du bien-dire. Se mettre sur son bien-dire. Mais cette phrase est un peu proverbiale. Il ne suffisoit pas d’opiner succinctement dans le Sénat, si l’on ne soutenoit son avis par son esprit, & par son bien-dire. Morabain p. 147. ☞ Ce mot n’est d’usage que dans le discours familier, & en se moquant de quelqu’un qui se pique de bien parler. Quand il se met sur son bien-dire Acad. Fr.

BIEN-DISANT, ANTE. adj. Qui parle bien, qui parle avec élégance, & avec politesse. Disertus, elegans, politus. Les gens de Cour se piquent d’être bien-disans. Cependant ce mot ayant quelque chose de comique, ne se doit guère employer que dans le style simple & familier. C’est un amant bien-disant & matois. Voit.

Un de ce dernier ordre,
Propre, toujours rasé, bien-disant & beau fils.

La Font.

Il se dit aussi quelquefois par opposition à médisant. Acad. Fr.

BIEN-ETRE. s. m. Situation & état d’une personne qui vit commodément, & à qui rien ne manque, suivant sa condition. Sors hominis cui nihil deest. Cet homme avoit beaucoup perdu au système du papier ; mais il lui est venu une succession qui l’a remis dans son bien-être. Si l’on renonce quelquefois à sa patrie pour se transporter ailleurs, c’est que l’amour de notre bien-être est fort au-dessus de la patrie. Desfontaines. L’amour du repos n’est pas la plus forte des passions, mais l’amour du bien-être. Id. C’est dans les occupations utiles à la société, que l’homme doit chercher son bien-être. On dit que quelqu’un a le nécessaire, mais qu’il n’a pas le bien-être. Acad. Fr. 1740. Je serai trop récompensé, quand je me rendrai le témoignage que j’ai contribué à votre bien-être. Voltaire. On dit que la nature a donné l’être aux hommes, & leurs parens le bien-être ; pour dire, la naissance & l’éducation. Furétière au mot être.

L’amour du bien-être est moins une passion, que la source naturelle de toutes les passions. Cette vérité morale est si claire, qu’aucun paradoxe ne sauroit l’obscurcir. Obs. sur les Ecrits mod. tom. XXV, p.76, 77. L’amour de notre bien-être est fort au dessus de celui de la patrie, que nous n’aimons, & que nous ne devons aimer que par rapport à nous, ainsi que tout autre chose. p. 320. Voyez Amour propre.

Nous sommes peut-être redevables de ce mot à M. d’Urfé, qui s’en est servi dans son Epitre au Roi Henri IV, à qui il a dédié la première partie de son ouvrage. Une passion outrée pour la liberté, rend la nation angloise ennemie de son repos & de son bien-être. Desfontaines. Sur le moindre mécontentement, nos matelots se retirent dans les pays étrangers ; c’est le caractère des François naturellement portés à chercher leur bien-être hors de leur patrie, lorsqu’ils ne l’y trouvent point. Id. Les grands talens & les ouvrages de la grande espèce nuisent au repos & au bien-être de leurs auteurs. Moncrif.

BIENFACTEUR, ou BIENFAICTEUR, ou BIENFAITEUR, s. m. BIENFACTRICE, ou BIENFAICTRICE, ou BIENFAITRICE. s. f. Celui ou celle qui a donné, qui a fait un bien de quelqu’un. De aliquo benè meritus ; ou benè mérita. On ne peut parler contre son bienfaiteur sans ingratitude.

Il n’y a point de mot dans la langue françoise, sur lequel les opinions soient plus partagées, que sur celui de bienfacteur, de bienfaiteur, ou de bienfaicteur. Je dirois bienfaicteur avec Messieurs de Voiture, Pélisson & Corneille.

☞ L’Académie dit Bienfaicteur. Pourquoi un c dans ce mot. On dit bienfait sans c : pourquoi ne diroit-on pas bienfaiteur ? Celui qui fait du bien pour en tirer du