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ou aux cierges & aux torches. On a dépensé une grosse somme pour payer le blason d’une telle pompe funèbre. Insignia gentilitia.

On dit aussi, le blason des couleurs, pour expliquer ce qu’elles signifient, comme l’Or, qui est le jaune, signifie, richesse, force, foi, constance ; l’Argent, qui est le blanc, espérance, pureté, innocence, humilité : l’azur, justice, loyauté, beauté, réputation, &c. Le Pere Monet a traité au long du blason des couleurs dans son livre du blason qu’il a fait en françois & en latin.

Blason, signifioit autrefois tantôt les louanges, les éloges qu’on donnoit, landatio ; tantôt une censure qu’on fait de quelqu’un. Gloss. Sur Marot. Il y a eu des Poëtes qui ont fait le blason ou l’éloge de la rose. Amyot a aussi appelé une épitaphe, blason funéral.

BLASONNEMENT. s. m. Ce mot se trouve dans Pomey, & signifie l’action de blasonner, de déchiffrer les armes d’un écu. Interpretatio.

BLASONNER. v. a. Peindre des armoiries avec les métaux & les couleurs qui leur appartiennent. Figuras in scuto gentilitio pingere, adumbare. Le Peintre n’a pas bien blasonné ces armoiries.

Blasonner, se dit aussi pour expliquer le Blason, ou les parties des armes d’une Maison ou Province, en termes propres & convenables à l’art. Figuras scuti gentilitii conceptis verbis & ordine recensere, edisserere. Les Armes de France se blasonnent ainsi, trois fleurs de lis d’or en champ d’azur, deux en chef, & une en pointe. Pour bien blasonner un écu, on commence toujours par le champ, & puis on spécifie les figures ou pièces honorables, s’il y en a, & l’on descend ensuite aux autres figures ; & quand il y en a plusieurs, le chef & la bordure sont nommés les derniers.

Toutes les fois que l’on commence à blasonner par d’autres figures que par celle du milieu, on dit qu’elle est en abîme, ou en cœur. Ce qu’il faut observer lorsque dans le milieu de l’écu il se rencontre une pièce plus petite que celle dont elle est accompagnée ; ainsi l’on dit, Condé porte de France le bâton raccourci de gueule péri en cœur ou en abîme. La plus grande difficulté est de blasonner un écu à plusieurs quartiers : voici l’ordre qu’il y faut garder. Il faut compter les quartiers des écartelures, afin de les blasonner par ordre. Le quartier qui est au côté droit de l’écu, s’appelle le premier. Celui qui lui est accolé, ou qui est à son côté de niveau, se nomme le second, & ainsi des autres. Quand il y a quelques quartiers semblables, on les joint ensemble de cette façon : Le Dauphin de France porte écartelé de France & de Dauphiné, au premier & au quatrième, d’azur à trois fleurs de lis d’or, qui est de France, au 2e & au 3e d’or au Dauphin d’azur, 4 oreillé, barbé & loré de gueules, qui est Dauphiné. Quand les quartiers sont différens, on commence par le premier : du premier on va au second & ainsi du reste, toujours en ligne horizontale. S’il se trouve un écusson au milieu de la croisure des quartiers, on le nomme sur le tout.

Blasonner, signifioit aussi, expliquer les symboles, les mystères de l’émail, & des figures du blason. Scuti aream, typos & iis subjectum vim interpretari.

Blasonner, se dit aussi par les Graveurs, quand il s’agit de faire certaines marques ; pour représenter les métaux & les couleurs dont les Peintres blasonnent les armoiries. Incidere in æs aurum, argentum. Le Graveur a fort bien réussi en blasonnant ma vaisselle.

Blasonner, se disoit autrefois figurément, pour signifier parler de quelqu’un, le décrire avec ses bonnes ou mauvaises qualités, & particulièrement avec les mauvaises. Maledicere.

De moy mesdit par tout injustement,
Et me blasonne. Marot

En donnant l’ordre de l’écu aux Chevaliers, on leur commandoit de ne pas ouir blasonner ni médire des Dames, & de ne le pas souffrir. On s’en sert encore dans le style familier. C’est un homme qui blasonne tout le monde, c’est-à-dire, qui blâme, qui critique.

BLASONNÉ, ÉE. Part. Il a les significations de son verbe.

BLASONNEUR. s. m. Celui qui blasonne. Interpres, enunciato scuti gentilitii. Il est peu en usage ; si ce n’est qu’on dit encore les anciens blasonneurs, en parlant des vieux Auteurs qui ont écrit du blason assez différemment des Modernes.

Blasonneur, dans un sens figuré. Médisant. Maledicus, convitiator.

Aux grands assauts acquert-on les honneurs ;
Et tant plus sont aigres les blasonneurs,
Plus le confiant a de los méritoire. Marot

Ce mot signifie aussi, celui qui loue ou qui blâme, car il se prend en bonne & mauvaise part. Gloss. sur Marot. ☞ Il est tout-à-fait vieux & hors d’usage.

BLASPHÉMATEUR. s. m. Celui qui blasphème, qui prononce ou qui écrit des paroles outrageuses & impies contre Dieu, & injurieuses à sa gloire. Divini numinis obtrectator. On peut être blasphémateur en deux manières, ou en attribuant à Dieu des choses qui ne lui peuvent convenir, & qui détruisent sa nature ; ou en refusant de reconnoître en lui des attributs qui lui sont essentiels, & sans lesquels il ne seroit point Dieu : tels que sont ceux qui font Dieu injuste, ou qui nient sa toute-puissance & sa providence. Cependant il faut remarquer, qu’à la rigueur, ce n’est point assez d’attaquer la gloire de Dieu, & de dire des choses contraires à sa nature, pour être un vrai blasphémateur, un blasphémateur proprement dit, & qui par conséquent mérite d’être puni par le Magistrat. Il faut outre cela, que le blasphémateur, lorsqu’il prononce ses blasphèmes, ait l’intention de blasphémer, ou du moins qu’il sache que les choses qu’il dit, sont effectivement des blasphèmes : tel que feroit un Chrétien qui par une brutal emportement vomiroit quelque chose d’injurieux contre J. C. Mais on ne doit point faire le même jugement de ceux qui parlent par le principe d’une fausse Religion. Par exemple des Juifs, qui, par une malheureuse suite des erreurs dont ils sont prévenus, regardent J. C. comme un imposteur. Il est bien vrai que ces sortes de blasphémateurs ne laissent pas d’être coupables devant Dieu d’un si horrible blasphème ; mais il ne s’ensuit pas qu’ils soient censés tel à la rigueur, attendu qu’ils ne sont point blasphémateurs d’esprit & d’intention. Mais dans le langage ordinaire, on appelle indifféremment blasphémateurs, tout ceux dont la doctrine renferme quelque chose d’impie, & d’injurieux à la gloire de Dieu.

Blasphémateur, se prend aussi pour celui qui attribue à la créature des honneurs qui ne sont dûs qu’à Dieu. Qui debitum soli Deo honorem creaturæ impertit. Ainsi les Juifs traitoient J. C. De blasphémateur, parce qu’il se disoit égal à Dieu.

Blasphémateurs. Hérétiques. Voyez Theocatagnostes.

BLASPHÉMATOIRE. adj. m. & f. Qui contient un blasphème. Contumeliosus un Deum, blasphemus. Livre, discours blasphématoire. ☞ Les Papes & les Théologiens donnent cette qualification à des propositions injurieuses à Dieu. Il ne faut entendre qu’avec horreur les paroles blasphématoires. Cette proposition est impie & blasphématoire.

BLASPHÈME. s. m. Crime énorme qui se commet contre la divinité par des paroles, ou des sentimens qui choquent sa Majesté, ou les mystères de la vraie Religion. C’est proprement une injure que l’on fait à Dieu, en lui attribuant ce qui ne lui convient point, ou en lui ôtant ce qui lui convient, comme sa sagesse, sa bonté, sa puissance, &c. C’est une blasphème de dire que Dieu commande des choses impossibles. Vox in Deum, contumeliosa verborum impietas, blasphemia. Blasphème horrible, exécrable, détestable. ☞ Les blasphémateurs étoient punis de mort chez les Juifs. Cette peine est rarement infligée chez nous. La punition la plus ordinaire du blasphème, est aujourd’hui l’amende honorable & le bannissement, ou les galères. On perce aussi la langue aux Blasphémateurs avec un fer chaud.