Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/200

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certaines comparaisons qui nous expriment en nombre le rapport de ceux qu’il laisse périr à ceux à qui il daigne tendre la main, l’âme la plus droite serait tentée de souhaiter qu’il n’existât pas. L’on serait assez tranquille en ce monde, si l’on était assez bien assuré que l’on n’a rien à craindre dans l’autre : la pensée qu’il n’y a point de Dieu n’a jamais effrayé personne, mais bien celle qu’il y en a un tel que celui qu’on me peint.

X.

Il ne faut imaginer Dieu ni trop bon, ni méchant. La justice est entre l’excès de la clémence et la cruauté, ainsi que les peines finies sont entre l’impunité et les peines éternelles.

XI.

Je sais que les idées sombres de la superstition sont plus généralement approuvées que suivies ; qu’il est des dévots qui n’estiment pas qu’il faille se haïr cruellement pour bien aimer Dieu et vivre en désespérés pour être religieux : leur dévotion est enjouée, leur sagesse est fort humaine ; mais d’où naît cette différence de sentiments entre des gens qui se prosternent au pied des mêmes autels ? La piété suivrait-elle aussi la loi de ce maudit tempérament ? Hélas ! comment en disconvenir ? Son influence ne se remarque que trop sensiblement dans le même dévot : il voit, selon qu’il est affecté, un Dieu vengeur ou miséricordieux, les enfers ou les cieux ouverts ; il tremble de frayeur où il brûle d’amour ; c’est une fièvre qui a ses accès froids et chauds.

XII.

Oui, je le soutiens, la superstition est plus injurieuse à Dieu que l’athéisme, « J’aimerais mieux, dit Plutarque, qu’on pensât qu’il n’y eut jamais de Plutarque au monde, que de croire que Plutarque est injuste, colère, inconstant, jaloux, vindicatif, et tel qu’il serait bien fâché d’être. »

XIII.

Le déiste seul peut faire tête à l’athée. Le superstitieux n’est pas de sa force. Son Dieu n’est qu’un être d’imagination.