Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/224

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des démonstrations géométriques, morales et physiques, sur mon esprit, doit être différente, ou cette distinction est frivole.

LX.

Vous présentez à un incrédule un volume d’écrits dont vous prétendez lui démontrer la divinité. Mais avant que d’entrer dans l’examen de vos preuves, il ne manquera pas de vous questionner sur cette collection. A-t-elle toujours été la même ? vous demandera-t-il. Pourquoi est-elle à présent moins ample qu’elle ne l’était il y a quelques siècles ? De quel droit en a-t-on banni tel et tel ouvrage, qu’une autre secte révère, et conservé tel et tel autre qu’elle a rejeté ? Sur quel fondement avez-vous donné la préférence à ce manuscrit ? Qui vous a dirigés dans le choix que vous avez fait entre tant de copies différentes, qui sont des preuves évidentes que ces sacrés auteurs ne vous ont pas été transmis dans leur pureté originelle et première ? Mais si l’ignorance des copistes, ou la malice des hérétiques les a corrompus, comme il faut que vous en conveniez, vous voilà forcés de les restituer dans leur état naturel, avant que d’en prouver la divinité ; car ce n’est pas sur un recueil d’écrits mutilés que tomberont vos preuves, et que j’établirai ma croyance. Or, qui chargerez-vous de cette réforme ? l’Église. Mais je ne peux convenir de l’infaillibilité de l’Église, que la divinité des Écritures ne me soit prouvée. Me voilà donc dans un scepticisme nécessité.

On ne répond à cette difficulté qu’en avouant que les premiers fondements de la foi sont purement humains ; que le choix entre les manuscrits, que la restitution des passages, enfin que la collection s’est faite par des règles de critique ; et je ne refuse point d’ajouter à la divinité des livres sacrés un degré de foi, proportionné à la certitude de ces règles.

LXI.

C’est en cherchant des preuves que j’ai trouvé des difficultés. Les livres qui contiennent les motifs de ma croyance, m’offrent en même temps les raisons de l’incrédulité. Ce sont des arsenaux communs. Là, j’ai vu le déiste s’armer contre l’athée ; le déiste et l’athée lutter contre le juif ; l’athée, le déiste et le