Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/140

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L’hôtesse.

Ne craignez rien, monsieur, il est loyal ; et demain il n’y paraîtra pas.

Jacques.

Puisqu’il n’y paraîtra pas demain, et que je ne fais pas ce soir grand cas de ma raison, mon maître, ma belle hôtesse, encore une santé, une santé qui me tient fort à cœur, c’est celle de l’abbé de Mlle d’Aisnon.

L’hôtesse.

Fi donc, monsieur Jacques ; un hypocrite, un ambitieux, un ignorant, un calomniateur, un intolérant ; car c’est comme cela qu’on appelle, je crois, ceux qui égorgeraient volontiers quiconque ne pense pas comme eux.

Le maître.

C’est que vous ne savez pas, notre hôtesse, que Jacques que voilà est une espèce de philosophe, et qu’il fait un cas infini de ces petits imbéciles qui se déshonorent eux-mêmes et la cause qu’ils défendent si mal. Il dit que son capitaine les appelait le contrepoison des Huet, des Nicole, des Bossuet. Il n’entendait rien à cela, ni vous non plus… Votre mari est-il couché ?

L’hôtesse.

Il y a belle heure !

Le maître.

Et il vous laisse causer comme cela ?

L’hôtesse.

Nos maris sont aguerris… Mme de La Pommeraye monte dans son carrosse, court les faubourgs les plus éloignés du quartier de la d’Aisnon, loue un petit appartement en maison honnête, dans le voisinage de la paroisse, le fait meubler le plus succinctement qu’il est possible, invite la d’Aisnon et sa fille à dîner, et les installe, ou le jour même, ou quelques jours après, leur laissant un précis de la conduite qu’elles ont à tenir.

Jacques.

Notre hôtesse, nous avons oublié la santé de Mme de La Pommeraye, celle du marquis des Arcis ; ah ! cela n’est pas honnête.