Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/234

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Saint-Albin.

Si je l’aime !

Le Père de famille.

Écoutez, et tremblez sur le sort que vous lui préparez. Un jour viendra que vous sentirez toute la valeur des sacrifices que vous lui aurez faits. Vous vous trouverez seul avec elle, sans état, sans fortune, sans considération ; l’ennui et le chagrin vous saisiront. Vous la haïrez, vous l’accablerez de reproche ; sa patience et sa douceur achèveront de vous aigrir ; vous la haïrez davantage ; vous haïrez les enfants qu’elle vous aura donnés, et vous la ferez mourir de douleur.

Saint-Albin.

Moi !

Le Père de famille.

Vous.

Saint-Albin.

Jamais, jamais.

Le Père de famille.

La passion voit tout éternel ; mais la nature humaine veut que tout finisse.

Saint-Albin.

Je cesserais d’aimer Sophie ! Si j’en étais capable, j’ignorerais, je crois, si je vous aime.

Le Père de famille.

Voulez-vous le savoir et me le prouver ? faites ce que je vous demande.

Saint-Albin.

Je le voudrais en vain ; je ne puis ; je suis entraîné. Mon père, je ne puis.

Le Père de famille.

Insensé, vous voulez être père ! En connaissez-vous les devoirs ? Si vous les connaissez, permettriez-vous à votre fils ce que vous attendez de moi ?

Saint-Albin.

Ah ! si j’osais répondre.

Le Père de famille.

Répondez.

Saint-Albin.

Vous me le permettez ?