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3°. Il y avoit outre cela des mansions ou gîtes pour les particuliers qui voyageoient, & où ils étoient reçus en payant les frais de leur dépense : c’étoient proprement des auberges. C’est de ce mot de mansio, dégénéré en masio, que nos ancêtres ont formé le mot de maison.

4°. Comme la journée du voyageur finissoit au gîte ou à la mansion, de-là vint l’usage de compter les distances par mansions, c’est-à-dire par journées de chemin. Pline dit mansionihus octo stat regio thurifera à monte excelso. Les Grecs ont rendu le mot de mansion par celui de stathmos, σταθμος. (D. J.)

MANSIONNAIRE, s. m. (Hist. ecclés.) officier ecclésiastique dans les premiers siecles, sur la fonction duquel les critiques sont fort partagés.

Les Grecs les nommoient παραμοναριος : c’est sous ce nom qu’on les trouve distingués des économes & des défenseurs dans le deuxieme canon du concile de Chalcédoine. Denis le Petit, dans sa version des canons de ce concile, rend ce mot par celui de mansionarius, qu’on trouve aussi employé par saint Grégoire dans ses dialogues, liv. I. & III.

Quelques uns pensent que l’office de mansionnaire étoit le même que celui du portier, parce que saint Grégoire appelle abundius le mansionnaire, le gardien de l’église, custodem ecclesiæ ; mais le même pape dans un autre endroit remarque que la fonction du mansionnaire étoit d’avoir soin du luminaire & d’allumer les lampes & les cierges, ce qui reviendroit à-peu-près à l’office de nos acolytes d’aujourd’hui. Justel & Beveregius prétendent que ces mansionnaires étoient des laïcs & des fermiers qui faisoient valoir les biens des églises ; c’est aussi le sentiment de Cuias, de Godefroi, de Suicer & de Vossius. Bingham, orig. eccles. tom. II. lib. III. c. xiij. §. 1. (G)

MANSIONILE, (Géog.) terme de la latinité barbare, employé pour signifier un champ accompagné d’une maison, pour y loger le laboureur. On a dit également dans la basse latinité mansionile, mansionilis, mansionillum, mansile, masnile, mesnillum ; de ces mots on en a fait en françois Maisnil, Mesnil, Ménil : de-là vient encore le nom propre de Ménil & celui de du Mesnil. Il y a encore plusieurs terres dans le royaume qui portent le nom de Blanc-Ménil ; Grand-Ménil, Petit-Ménil, Ménil-Piquet, &c.

On voit par d’anciennes chroniques qu’on mettoit une grande différence entre mansionile & villa. Le premier étoit une maison détachée & seule, comme on en voit dans les campagnes, au lieu que villa signifioit alors tout un village. (D. J.)

MANSOURE ou MASSOURE, (Géogr.) forte ville d’Egypte qui renferme plusieurs belles mosquées ; c’est la résidence du cascief de Dékalie. Elle est sur le bord oriental du Nil, près de Damiete. C’est dans son voisinage qu’en 1249 se livra le combat entre l’armée des Sarrasins & celle de S. Louis, qui fut suivie de la prise de ce prince & de la perte de Damiete. Long. 49. 35. lat. 27. (D. J.)

MANSTUPRATION ou MANUSTUPRATION (Médec. Pathol.) Ce nom & ses synonymes mastupration & masturtion, sont composés de deux mots latins manus, qui signifie main, & stupratio on stuprum, violement, pollution. Ainsi suivant leur étymologie, ils désignent une pollution opérée par la main, c’est-à-dire, une excrétion forcée de semence determinée par des attouchemens, titillations & frottemens impropres. Un auteur anglois l’a aussi désignée sous le titre d’onania dérivé d’Onam, nom d’un des fils de Juda, dont il est fait mention dans l’ancien Testament (Genes. cap. xxxviij. vers. ix. & x.) dans une espece de traité ou plutôt une bisarre collection d’observations de Médecine, de réflexions morales, & de décisions théologiques sur cette matiere. M. Tissot s’est aussi servi, à son imitation, du mot d’ona-

misme dans la traduction d’une excellente dissertation

qu’il avoit composée sur les maladies qui sont une suite de la manustupration, & dont nous avons tiré beaucoup pour cet article.

De toutes les humeurs qui sont dans notre corps, il n’y en a point qui soit préparée avec tant de dépense & de soin que la semence, humeur précieuse, source & matiere de la vie. Toutes les parties concourent à sa formation ; & elle n’est qu’un extrait digéré du suc nourricier, ainsi qu’Hippocrate & quelques anciens l’avoient pensé, & comme nous l’avons prouvé dans une these sur la génération, soutenue aux écoles de Médecine de Montpellier. Voyez Semence. Toutes les parties concourent aussi à son excrétion, & elles s’en ressentent après, par une espece de foiblesse, de lassitude & d’anxiété. Il est cependant un tems où cette excrétion est permise, où elle est utile, pour ne pas dire nécessaire. Ce temps est marqué par la nature, annoncé par l’éruption plus abondante des poils, par l’accroissement subit & le gonflement des parties génitales, par des érections fréquentes ; l’homme alors brûle de répandre cette liqueur abondante qui distend & irrite les vésicules séminales. L’humeur fournie par les glandes odoriférantes entre le prépuce & le gland, qui s’y ramasse pendant une inaction trop longue, s’y altere, devient âcre, stimulante, sert aussi d’aiguillon ou de motif. La seule façon de vuider la semence superflue qui soit selon les vûes de la nature, est celle qu’elle a établie dans le commerce & l’union avec la femme dans qui la puberté est plus précoce, les desirs d’ordinaire plus violens, & leur contrainte plus funeste ; & qu’elle a consacrée pour l’y engager davantage par les plaisirs les plus délicieux. A cette excrétion naturelle & légitime, on pourroit aussi ajouter celle que provoquent pendant le sommeil aux célibataires des songes voluptueux qui suppléent également & quelquefois même surpassent la réalité. Malgré ces sages précautions de la nature, on a vû dans les tems les plus reculés, se répandre & prévaloir une infame coutume née dans le sein de l’indolence & de l’oisiveté ; multipliée ensuite & fortifiée de plus en plus par la crainte de ce venin subtil & contagieux qui se communique par ce commerce naturel dans les momens les plus doux. L’homme & la femme ont rompu les liens de la société ; & ces deux sexes également coupables, ont tâché d’imiter ces mêmes plaisirs auxquels ils se refusoient, & y ont fait servir d’instrumens leurs criminelles mains ; chacun se suffisant par-là, ils ont pu se passer mutuellement l’un de l’autre. Ces plaisirs forcés, foibles images des premiers, sont cependant devenus une passion qui a été d’autant plus funeste, que par la commodité de l’assouvir, elle a eu plus souvent son effet. Nous ne la considérerons ici qu’en qualité de médecin, comme cause d’une infinité de maladies très-graves, le plus souvent mortelles. Laissant aux théologiens le soin de décider & de faire connoître l’énormité du crime ; en la faisant envisager sous ce point de vûe, en présentant l’affreux tableau de tous les accidens qu’elle entraîne, nous croyons pouvoir en détourner plus efficacement. C’est en ce sens que nous disons que la manustupration qui n’est point fréquente, qui n’est pas excitée par une imagination bouillante & voluptueuse, & qui n’est enfin déterminée que par le besoin, n’est suivie d’aucun accident, & n’est point un mal (en Médecine.) Bien plus, les anciens, juges trop peu séveres & scrupuleux, pensoient que lorsqu’on la contenoit dans ces bornes, on ne violoit pas les lois de la continence. Aussi Galien ne fait pas difficulté d’avancer que cet infame cynique (Diogene) qui avoit l’impudence de recourir à cette honteuse pra-