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PAPELONNÉ, adj. terme de Blason ; ce mot se dit d’une représentation en forme d’écaille ou de demi-cercle qu’on met sur un écu. Le plein de ces écailles tient lieu de champ, & les bords de pieces & d’ornemens.

PAPESSE JEANNE, (Hist. des papes.) c’est après Léon IV. qui mourut en 855, que l’on place la fausse papesse Jeanne. Dans le songe du vieux Pélerin, écrit par Philippe de Maiziere en 1389, la reine Vérité rapporte au ch. lj. du I. liv. qu’une vieille lui dit un jour. En cette cour de Rome je vis regner une femme qui étoit d’Angleterre ; selon M. l’Enfant, Jeanne nâquit à Mayence, où elle étoit connue sous le nom de Jean l’Anglois, soit qu’elle fût de famille angloise, soit pour d’autres raisons que nous ignorons. Au reste, la vieille s’adressa mal pour débiter son conte, & la reine Vérité ne dut pas y ajouter foi, non plus qu’à une autre histoire de la même vieille, touchant un évêque de Besançon, lequel, dit-elle, à Rome fut transporté du diable.

PAPETERIE, s. f. (Archit.) grand bâtiment situé à la chute d’un torrent, ou d’une riviere rapide où l’on fabrique le papier. Ce bâtiment est distribué en différentes pieces destinées aux usages suivans. D’abord c’est un pourrissoir, lieu où se corrompent & pourrissent les vieux linges dont on fait le papier. Les autre pieces contiennent la batterie, dont l’eau fait agir les maillets armés de tranchans, pour hacher & reduire en bouillie les vieux linges, ce qui forme le moulin à papier ; la cuve où l’on fige les papiers dans les chassis ; l’étendoir où on les fait sécher, & les magasins où on les emballe, & où on les plie. Il y a aussi dans une papeterie des hangards & des fourneaux pour le bois & le charbon, & des logemens pour les ouvriers. Les plus belles papeteries de France sont en Auvergne. (D. J.)

Papeterie ; ce mot a deux acceptions, 1o. il signifie l’assemblage de bâtimens & de machines nécessaires pour une manufacture où l’on fabrique le papier ; 2o. il signifie l’art de le fabriquer. C’est dans ce dernier sens qu’il est pris dans cet article.

Les chiffons dont le papier est formé, qu’on appelle aussi drapeaux, passent par un grand nombre d’opérations avant d’être convertis en cette singuliere étoffe que tout le monde connoît, & dont aussi bien que de celle des chapeaux, presque personne ne connoît la tissure. C’est à expliquer cette formation que cet article est destiné. Nous allons suivre les opérations dans l’ordre où elles se succedent dans les manufactures les plus accréditées. Celle de Langlée près Montargis, qui a des moulins à la hollandoise, est très-considérable par ses bâtimens & sa fabrication. Nous devons à M. Prevost, directeur de cette manufacture, les éclaircissemens qui nous ont mis en état de composer cet article.

Premiere opération. Le chiffon qui doit être de toile, soit lin ou chanvre, & non de laine ou de coton, est recueilli par un grand nombre de personnes qui l’emmagasinent pour le vendre aux manufacturiers ; étant arrivé dans la manufacture, il y subit une premiere préparation, qui est le délissage. Délisser le chiffon, c’est en faire le triage, le séparer en différentes sortes, qu’on appelle superfin, fin, coutures fines, moyen, coutures moyennes, bulle ; une derniere sorte qu’on appelle traces, contient les toiles de plusieurs couleurs dont on ne fait que du papier gris. Pour délisser le chiffon, les femmes chargées de cet ouvrage, s’asseyent sur des bancs, comme la vignette, Pl. I. de Papeterie, qui représente l’attelier des délisseuses, le fait voir, fig. 1 & 2. Elles ont chacune à côté d’elles un crochet a, b, c ; c’est une espece de serpette tranchante par sa partie concave & fixée sur le banc où elles sont assises. Elles se servent de ce crochet pour découdre les différentes pieces de chiffon

de différentes qualités qu’elles distribuent dans les caisses A, B, C qu’elles ont devant elles. Chaque caisse, longue d’environ six piés, large de trois, & haute de deux & demi, est divisée en quatre parties par des cloisons ; dans une partie elles mettent le chiffon le plus fin, & qui se trouve sans couture ; dans l’autre le chiffon fin qui a des coutures ; dans une troisieme le chiffon de qualité moyenne ; dans la quatrieme celui de menue qualité, mais qui a des coutures ; quant à la moindre qualité, qu’on appelle bulle, elles le jettent dans des mannes ou paniers qui sont autour des places qu’elles occupent. Pour les traces, qui sont les chiffons, dont le tissu est de différentes couleurs ; il reste sur le plancher, d’où on le releve pour le porter au dépôt qui contient les chiffons dont on fabrique le papier gris ou lombard. Les ouvrieres qui prennent les chiffons dans les tas du brut, livrent au poids les différentes sortes, superfin, fin, sans coutures, coutures fines, moyen sans coutures, coutures moyennes, bulle, pour être portés dans des cases ou chambres particulieres E entourées de planches. Cet arrangement sert à faire connoître combien ces cases en contiennent en faisant un total de ce qui y est entré chaque jour, & aussi à régler le salaire de ces ouvrieres. C’est pour cela que l’on voit dans le même attelier des balances & des poids.

Comme il arrive que les délisseuses trouvent quelquefois des chiffons dont les différentes pieces sont très-fortement cousues ensemble, ensorte qu’étant assises elles ne pourroient venir à bout de les rompre sur les petits crochets a, b, c de leurs bancs, il y en a un plus grand F fixé solidement à un des poteaux qui soutient le plancher, où travaillant debout, elles sont mieux en état d’employer leurs forces.

Seconde opération. L’attelier que nous venons de décrire est placé au-dessus d’un autre qu’on appelle pourrissoir ; c’est un endroit voûté & d’une grandeur proportionnée à l’exploitation ; on y descend par cinq ou six marches E, ensorte que les fenêtres que l’on voit dans la vignette Pl. II. de Papeterie, sont à l’extérieur presque au niveau du terrein. Cette salle ou cave est divisée en deux parties par une muraille de cinq piés d’élevation ; la plus petite partie K qu’on appelle bacha, dans laquelle on met tremper le chiffon, a vers le fond une ouverture fermée d’une pelle A, par laquelle on laisse écouler l’eau qui a servi à tremper le chiffon, quand il a été suffisamment submergé, & le laisser à sec pour pouvoir le sortir du bacha & le porter dans quelques coins G ou H de la même cave, où on le laisse fermenter pendant deux ou trois mois plus ou moins, suivant la saison, observant de le remuer de tems à autre, pour que tout le chiffon s’échauffe également. On jette le chiffon dans le bacha par une ouverture L pratiquée au haut de la voûte, & qui répond aux cases où il a été mis en dépôt après avoir été délissé. L’eau est portée dans le bacha par un tuyau soûterrain DC, dont on voit le robinet C dans la figure. C’est à celui qui conduit cet attelier à juger du degré de fermentation convenable à la sorte de chiffon, & à la sorte d’ouvrage que l’on en veut faire ; le chiffon trop fermenté ou fusé, comme disent les ouvriers, souffre un déchet considérable dans le moulin.

Troisieme opération. A l’opération de laisser pourrir le chiffon, succede celle de le dérompre ; ce qui se fait dans une salle voûtée ordinairement de plein pié au pourrissoir, à laquelle on donne le nom de dérompoir, & que la vignette de la Pl. III. de Papeterie représente. Ceux qui font cet ouvrage sont des petits garçons ; ils sont placés devant des tables ou caisses ccc posées sur des tretaux solides, qui sont aussi fixées aux murailles de la salle ; la planche de