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que du pain tout pur ; méprisent le baptême & la resurrection des morts ; or ces hérétiques d’Agenois du XI n’étoient autres que les Petrobrusiens & les Henriciens dont la secte s’étoit répandue en Gascogne & dans les provinces voisines, & c’étoient là sans doute des Manichéens bien marqués, dit M. Rosnet, Hist. des Variat. liv. XI. num. 42. pag. 146. tom. II. C’est donc à tort que M. Chambers accuse le P. Langlois d’avoir voulu par un faux zele noircir les Petrobrusiens d’une accusation de manichéisme ; c’est contre les auteurs contemporains qu’il faudroit intenter cette accusation ; mais on sait le motif qui porte les Protestans à écarter ce soupçon de manichéisme des hérétiques qui dans le xj. siecle ont nié la présence réelle, & l’on peut voir ce que M. Bossuet a répondu à ce sujet au ministre la Roque. Hist. des Variat. tom. II. Liv. XI. n. c. xxx. & suiv. pag. 199. & suiv.

PETRO-JOANNITES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) nom de quelques sectaires assez obscurs, ainsi nommés d’un certain Pierre Jean ou Pierre fils de Jean, qui parut dans le xij. siecle. Ses opinions ne furent connues qu’après sa mort, & son cadavre fut déterré & brulé.

Ses erreurs se réduisoient à dire que lui seul avoit la connoissance du vrai sens dans lequel les apôtres avoient prêché l’évangile, que l’ame raisonnable n’étoit point la forme du corps, qu’aucune grace ne nous est infuse par le baptême, & que Jesus-Christ étoit encore vivant sur la croix lorsqu’on perça le côté avec une lance. Prateol.

PÉTROL, s. m. (Hist. nat. des huiles minér.) on disoit auparavant pétréol ; en italien petroglio, en anglois petroly ou rock-oil. Huile minérale, subtile, inflammable, d’une odeur forte de bitume, & de différente couleur.

Les hommes rapportent tout assez volontiers à leurs goûts, ou à leurs passions. Il y a peu de nos dames qui ignorent la cause à laquelle Rousseau attribue la mort de l’amoureux fils d’Alcmene, & peut-être pensent-elles comme ce poëte. Pour moi qui ne songe qu’à la nature du pétrol, & qui suis rempli des détails qu’en racontent divers auteurs ; je m’imagine avec quelques-uns d’eux, que la robe fatale qu’on supposoit teinte du sang de Nessus, & que Déjanire envoya ensuite à Hercule, de même que celle que Médée envoya à Glaucé, causerent la mort du ravisseur d’Iole, & de la fille de Créon, parce que ces deux robes avoient été trempées dans le pétrol, qu’on trouvoit aux environs de Babylone.

Ce pétrol ou ce naphte de Babylone, étoit d’une nature si subtile, qu’il s’enflammoit dès qu’on l’approchoit du feu, & l’on ne pouvoit l’éteindre qu’en étouffant ce feu avec de la boue, du vinaigre, de l’alun & de la glu : Alexandre en fit l’expérience sur un jeune garçon, qu’on eut bien de la peine à sauver. Ces faits qu’on lit dans l’histoire, m’ont conduit à rechercher avec avidité les observations de nos meilleurs physiciens sur ce bitume liquide.

Les noms du pétrol chez les anciens. Le nom de naphte que porte le pétrol, dérive du chaldéen noph, découler, parce qu’il découle & dégoute des rochers, tantôt plus liquide, & tantôt moins ; le prophete Daniel ch iij v. 46. dit que l’on alluma la fournaise où l’on devoit jetter Misack, Sidrack & Abdenage, avec du naphte, de la poix & d’autres matieres combustibles ; mais le naphte dont il s’agit ici, est le pissasphalte ou le bitume de Judée. De même, quand il est dit dans la genèse, ch. xj. v. 3, que les murs de la tour de Babel étoient liés avec un mortier où il entroit beaucoup de naphte ; ce mot désigne du pissasphalte, espece de bitume qui mêlé avec le limon argilleux, fait un ciment pour joindre les pierres des murailles, lequel tient lieu de celui que l’on fait

avec la chaux. C’est avec ce ciment que Vitruve pense que les murs de Babylone ont été bâtis ; cependant les Babyloniens nommoient proprement naphte une huile blanche, ou noire, qui découloit de quelques fontaines auprès de Babylone.

Les Grecs appelloient communément le naphte, πετρέλαιον, c’est-à-dire huile de pierre ; d’autres simplement huile, ou huile par excellence, & quelques-uns ἔλαιον Μηδείας, huile de Médée, ce qui justifie ma conjecture sur la mort de Créuse ; les Latins disoient petroleum par syncope, parce qu’elle découle des roches. Nicolas Myrepse le nomme μύρον τοῦ ἁγίου Βαρβάρου, huile de sainte Barbe, d’autres, huile de sainte Catherine & huile sainte, quelques-uns enfin νάφθα, ἄφθα, du verbe τοῦ ἅπτεσθαι, qui signifie être allumé. Saint Ambroise tire l’origine du mot naphte, de σνάπτειν, attacher, lier, joindre, parce que le naphte, dit-il, colle, joint, unit ; mais cela n’est vrai que du pissasphalte, & l’étymologie chaldéenne de naphte paroît la seule bonne.

Ses noms dans nos auteurs modernes. Nos naturalistes modernes nomment l’huile de pétrol, naphta, naphta alba, & nigra, Kempf. Amoen. 274. petroleum, oleum petræ ; bitumen liquidum oleo simile, quod innatat lacubus. Kentm. 20.

Le pétrol est une huile naturelle. Outre ces huiles artificielles & végétales, c’est-à-dire tirées des plantes par expression, il y en a de naturelles & de minérales, qui sortent d’elles-mêmes des entrailles de la terre. On les appelle en général, huiles de pétrol, parce qu’elles sortent de quelques fentes de pierres. Le pétrol est donc un bitume liquide qui ne differe que par sa liquidité des bitumes solides, tels que l’asphaltum ou le bitume de Judée, l’ambre ; le jayet, &c. Il est de différentes couleurs, blanc, jaune, roux, verd, noirâtre, suivant les lieux qui le produisent.

On en trouve aux Indes, en Asie, en Perse, &c. Il y a quelques pays chauds des Indes & de l’Asie qui fournissent du pétrol. Dans l’île de Sumatra, on en recueille une espece très-célébre, fort estimée, & on l’appelle miniar-tannah, qui signifie huile de terre. L’on en tire une grande quantité de certaines sources qui sont près de Hit en Chaldée, selon Edrissi. On en trouve aussi dans les montagnes de Farganah dans la province de Transoxane, selon Ebu Hancal. Oléarius assure qu’il en a vû plusieurs sources auprès de Scamachie en Perse, aujourd’hui Schirvan, ville renversée de fond en comble par un horrible tremblement de terre.

Nous ne voyons point en Europe aucun des pétrols dont nous venons de parler, & nous ne connoissons que ceux de France & d’Italie. Ce dernier pays abonde en huile de pétrol, qui se trouve dans les duchés de Modene, de Parme & de Plaisance.

On tire le pétrol en quantité de différents puits & de plusieurs fontaines dans le duché de Modene, car tout le Modénois paroît rempli de cette huile bitumineuse, mais sur-tout elle abonde auprès du fort de Mont-Baranzon, dans un lieu appellé il Fiumetto. On creuse des puits de 30 ou 40 brasses de profondeur, jusqu’à ce qu’il paroisse une source d’eau mêlée avec de l’huile. Les puits que l’on creuse au bas des collines, fournissent une grande quantité d’huile rousse ; ceux que l’on creuse au haut donnent une huile blanche, mais en moindre quantité. Il y a encore dans le même pays dans une vallée très-stérile du bailliage de Mont-festin, un grand rocher à douze milles de Modene ; du côté du mont Apennin, près du mont Gibbius, d’où découle continuellement une fontaine d’eau, où nage le pétrol ; elle est si abondante, que deux fois la semaine, on en retire environ six livres chaque fois.

On trouve aussi du pétrol en France, mais grossier.