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de Biéla, au midi par une partie de la Séverie, au levant par le duché de Moscou, & au couchant par les palatinats de Mscislaw & de Witepsk. Le duché de Smolensko fait une partie de l’ancienne Sarmatie européane ; il composoit avec le duché de Moscovie la Russie blanche proprement dite. Sa capitale porte le même nom de Smolensko. (D. J.)

SMYRNE, (Géog. anc. & Médailles.) ville célebre de l’Ionie, à 150 stades au midi du fleuve Hermus, au fond d’un grand golfe, avec un port spacieux qui subsiste encore le même. Elle fut fondée 1114 ans avant J. C. 168 ans après la prise de Troie. Strabon l’a décrite avec soin, telle qu’elle étoit de son tems : voici comme il en parle.

Lorsque les Lydiens eurent détruit Smyrne, la campagne d’alentour n’étoit peuplée que de villages pendant quatre cens ans ou environ. Antigonus la rebâtit, & Lysimachus après lui ; c’est aujourd’hui une des plus belles villes d’Asie. Une partie est bâtie sur la montagne ; mais la plus grande partie est dans une plaine, sur le port, vis-à-vis du temple de la mere des dieux & du gymnase ou de l’école. Les rues sont les plus belles du monde, coupées en angles droits, & pavées de pierre. Il y a de grands portiques carrés au plus haut & au plus bas de la ville, avec une bibliotheque & un homérion qui est un portique carré avec un temple où est la statue d’Homere : car ceux de Smyrne sont fort jaloux de ce qu’Homere a pris naissance parmi eux, & ils ont un médaillon de cuivre qu’ils appellent homérion de son nom. La riviere de Melès coule le long des murailles. Entre les autres commodités de la ville, il y a un port qui se ferme quand on veut.

On voit par ce passage de Strabon, que les Lydiens avoient détruit une ville encore plus ancienne que celle qu’il décrit ; & c’est de celle dont parle Hérodote, lorsqu’il assure que Gigès roi de Lydie déclara la guerre aux Smyrnéens, & qu’Halyates son petit-fils s’en empara. Elle fut ensuite maltraitée par les Ioniens, surprise par ceux de Colophon, enfin rendue à ses propres citoyens, mais démembrée de l’Éolide sous l’empire des Romains.

La Smyrne de Strabon étoit vraissemblablement sur une montagne au sud de la nouvelle & au couchant de la haute forteresse ; car on y voit plusieurs monceaux de pierre, outre un grand bâtiment démoli. Ce bâtiment peut avoir été le temple de Cybele, la grand’mere des dieux. Pour ce qui est de l’homérion, on pourroit croire qu’on l’a appellé le temple de Janus, peut-être à cause de quelque ressemblance avec celui de Rome, car il n’est pas fort éloigné de la riviere que l’on suppose avoir été celle de Melès. C’est un petit portique ou bâtiment carré de pierre, d’environ trois brasses de long & de large, avec deux portes opposées l’une à l’autre, l’une au nord & l’autre au sud, avec une grande niche en-dedans contre la muraille orientale, où pouvoit être l’effigie d’Homere, quoiqu’il y en ait qui assurent que c’étoit un temple de Janus.

On ne peut guere conjecturer où étoit le gymnasium, non-plus que les beaux portiques qui ornoient cette place. Le port qu’on ouvroit & que l’on fermoit quand on vouloit, pouvoit être cette petite place carrée sous la citadelle, qui sert à présent de havre aux galeres & aux autres petits vaisseaux. Mais le théâtre & le cirque ne sont pas des moindres restes des antiquités de cette ville, quoique Strabon n’en parle point, apparemment parce qu’ils n’existoient pas encore de son tems.

Le théâtre étoit sur le penchant d’une montagne, au nord de la citadelle, & bâti de marbre blanc. On l’a détruit dans le siecle passé pour faire un kan nouveau, & un bazar qui est voûté de pierres de taille,

& long de quatre cens pas. On a trouvé dans les fondemens un pot de médailles qui sont toutes de l’empereur Gallien, de sa famille, & des tyrans qui régnoient en même tems que lui ; ce qui feroit conjecturer que cet empereur avoit fait bâtir ce superbe édifice, ou que du-moins il avoit été bâti de son tems. Il y en a pourtant qui assurent qu’il fut bâti du tems de l’empereur Claude. Ils se fondent sur ce qu’on a trouvé dans la scene de ce théâtre une base de statue qui n’avoit que le mot de Claudius. Ce n’est pas-là néanmoins une preuve suffisante, parce qu’il est assez ordinaire de trouver dans les fondemens des anciens bâtimens les médailles des fondateurs ou des empereurs contemporains.

Le cirque étoit creusé profondément dans la montagne qui est au couchant de la citadelle. Il est si bien détruit, qu’il n’en reste, pour ainsi dire, que le moule : on en a emporté tous les marbres, mais le creux a retenu son ancienne figure. C’est une espece de vallée de 465 piés de long, sur 120 de largeur, dont le haut est terminé en demi-cercle & le bas est ouvert en quarré. Cet endroit présentement est fort agréable par sa pelouse, car les eaux n’y croupissent point. Il ne faut pas juger de la véritable grandeur du cirque ou du stade, par les mesures que nous avons rapportées ; on sait que ces sortes de lieux n’avoient ordinairement que 125 pas de long, & qu’on les appelloit diaules, quand ils avoient le double d’étendue comme celui-ci. On découvre de cette colline toute la campagne de Smyrne qui est parfaitement belle, & dont les vins étoient estimés du tems de Strabon & d’Athénée.

On voit dans ce même endroit quantité d’anciens fondemens, mais on ne sait point ce que c’étoit. Les inscriptions qu’on y trouve, & qui concernent toutes la ville de Smyrne, sont en assez grand nombre ; quoique la plûpart ne soient que des fragmens où on lit le nom des empereurs Tibere, Claude & Neron. Strabon donne à plusieurs princes le titre de restaurateurs de Smyrne ; & le fragment d’une de ces inscriptions attribue la même gloire à l’empereur Adrien en ces termes : ΑΥΤΟΚΡΑΤΟΡΙ. ΑΔΡΙΑΝΩΙ. ΟΛΥΜΠΙΩΙ ΣΩΤΗΡΙ ΚΑΙ ΚΤΙΣΤΗΙ ; c’est-à-dire : « A l’empereur Adrien, olympien, sauveur, & fondateur ».

Spon a transcrit une grande inscription tirée du même lieu ; c’est une lettre des empereurs Severe, Antonin & Caracalla à ceux de Smyrne ; en voici la traduction : « Les très-divins empereurs Severe & Antonin, à ceux de Smyrne. Si Claudius Rufinus votre citoyen, lequel à cause de son application aux études & à l’art d’orateur, est dispensé des charges publiques selon les divines constitutions établies par nos ancêtres, est néanmoins obligé par une nécessité indispensable, & à votre réquisition, d’accepter l’emploi de gouverneur, faites en sorte qu’il ne soit pas troublé par d’autres occupations, comme il est juste ; car ce seroit une chose indigne de lui que l’affection qu’il vous porte, lui devint onéreuse ; puisque c’est vous-mêmes qui avez demandé cette grace pour lui. Bien vous soit. Les députés ont été Aurélius, Antonius & Ælius Spératus ».

On a donné dans les mémoires de Littérature, tome IV. pag. 65. une inscription greque envoyée de Smyrne, avec des remarques par M. Kuster. Cette inscription traduite en françois, porte :

Hermogène fils de Charimede, qui a écrit de la Médecine, est mort âgé de soixante & dix-sept ans, & ayant laissé autant de traités.

De Médecine, soixante-douze.

De livres historiques, savoir, de la ville de Smyrne, deux.