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offrande sur ses facultés ; les dieux regardent plus à la pureté de nos cœurs, qu’à la richesse de nos sacrifices.

Les lois sont du ciel ; ce qui est selon la loi, est juste sur la terre, & légitimé dans le ciel.

Ce qui prouve l’origine céleste des lois, telles que d’adorer les dieux, d’honorer ses parens, d’aimer son bienfaiteur, c’est que le châtiment est nécessairement attaché à leur infraction ; cette liaison nécessaire de la loi, avec la peine de l’infraction, ne peut être de l’homme.

Il faut avoir pour un pere trop sévere, la même obéissance qu’on a pour une loi trop dure.

L’atrocité de l’ingratitude est proportionnée à l’importance du bienfait ; nous devons à nos parens le plus important des biens.

L’enfant ingrat n’obtiendra ni la faveur du ciel, ni l’estime des hommes ; quel retour attendrai-je, moi, étranger, de celui qui manque aux personnes à qui il doit le plus ?

Celui qui vend aux autres sa sagesse pour de l’argent, se prostitue comme celui qui vend sa beauté.

Les richesses sont entre les mains de l’homme, sans la raison, comme sous lui un cheval fougueux, sans frein.

Les richesses de l’avare ressemblent à la lumiere du soleil, qui ne recrée personne après son coucher.

J’appelle avare celui qui amasse des richesses par des moyens vils, & qui ne veut point d’indigens pour amis.

La richesse du prodigue ne sert qu’aux adulateurs & aux prostitués.

Il n’y a point de fonds qui rende autant qu’un ami sincere & vertueux.

Il n’y a point d’amitié vraie, entre un méchant & un méchant, ni entre un méchant & un bon.

On obtiendra l’amitié d’un homme, en cultivant en soi les qualités qu’il estime en lui.

Il n’y a point de vertus qui ne puisse se perfectionner & s’accroître, par la reflexion & l’habitude.

Ce n’est ni la richesse, ni la naissance, ni les dignités, ni les titres, qui font la bonté de l’homme ; elle est dans ses mains.

L’incendie s’accroit par le vent, & l’amour par le commerce.

L’arrogance consiste à tout dire, & à ne vouloir rien entendre.

Il faut se familiariser avec la peine, afin de la recevoir quand elle viendra, comme si on l’avoit attendue.

Il ne faut point redouter la mort, c’est un assoupissement ou un voyage.

S’il ne reste rien de nous après la mort, c’est plutôt encore un avantage, qu’un inconvénient.

Il vaut mieux mourir honorablement, que vivre deshonoré.

Il faut se soustraire à l’incontinence, par la fuite.

Plus on est sobre, plus on approche de la condition des dieux, qui n’ont besoin de rien.

Il ne faut pas négliger la santé du corps, celle de l’ame en dépend trop.

La tranquillité est le plus grand des biens.

Rien de trop : c’est l’éloge d’un jeune homme.

Les hommes vivent pour manger, les bons mangent pour vivre.

Etre sage dans la haute prospérité, c’est savoir marcher sur la glace.

Le moyen le plus sûr d’être considéré, c’est de ne pas affecter de se montrer aussi bon que l’on est.

Si vous êtes un homme de bien, on aura autant de confiance en votre parole, qu’au serment.

Tournez le dos au calomniateur & au médisant, c’est quelque perversité qui le fait agir ou parler.

Principes de Socrate, sur la prudence domestique. Il disoit :

Celui qui saura gouverner sa maison, tirera parti de tout, même de ses ennemis.

Méfiez-vous de l’indolence, de la paresse, de la négligence ; evitez le luxe ; regardez l’agriculture comme la ressource la plus importante.

Il est des occupations sordides auxquelles il faut se refuser, elles avilissent l’ame.

Il ne faut pas laisser ignorer à sa femme ce qu’il lui importe de savoir, pour votre bonheur & pour le sien.

Tout doit être commun entre les époux.

L’homme veillera aux choses du dehors, la femme à celles du dedans.

Ce n’est pas sans raison que la nature a attaché plus fortement les meres aux enfans, que les peres.

Principes de la prudence politique de Socrate. Les vrais souverains, ce ne sont point ceux qui ont le sceptre en main, soit qu’ils le tiennent ou de la naissance, ou du hasard, ou de la violence, ou du consentement des peuples ; mais ceux qui savent commander.

Le monarque est celui qui commande à ceux qui se sont soumis librement à son obéissance ; le tyran, celui qui contraint d’obéir : l’un fait exécuter la loi, l’autre, sa volonté.

Le bon citoyen contribuera autant qu’il est en lui, à rendre la republique florissante pendant la paix, & victorieuse pendant la guerre ; il invitera le peuple à la concorde, s’il se souleve ; député chez un ennemi, il tentera toutes les voies honnêtes de conciliation.

La loi n’a point été faite pour les bons.

La ville la mieux gardée, est celle qui renferme le plus d’honnêtes gens : la mieux policée, celle où les magistrats agissent de concert : celle qu’il faut préférer à toutes, où la vertu a des récompenses assurées.

Habitez celle où vous n’obéirez qu’aux lois.

Ce seroit ici le lieu de parler des accusations qu’on intenta contre lui, de son apologie, & de sa mort ; mais ces choses sont écrites en tant d’endroits. Qui est-ce qui ignore qu’il fut le martyr de l’unité de Dieu ?

Après la mort de Socrate, ses disciples se jetterent sur sa robe & la déchirerent. Je veux dire qu’ils se livrerent à différentes parties de la philosophie, & qu’ils fonderent une multitude de sectes diverses, opposées les unes aux autres, qu’il faut regarder comme autant de familles divisées, quoiqu’elles avouassent toutes la même souche.

Les uns s’étoient approchés de Socrate, pour se disposer par la connoissance de la vérité, l’étude des mœurs, l’amour de la vertu, à remplir dignement les premiers emplois de la république auxquels ils étoient destinés : tel fut Xénophon.

D’autres, parmi lesquels on peut nommer Criton, lui avoient confié l’éducation de leurs enfans.

Il y en eut qui ne vinrent l’entendre que dans le dessein de se rendre meilleurs ; c’est ce qui arriva à Diodore, à Euthydème, à Euthere, à Aristarque.

Critias & Alcibiade lui furent attachés d’amitié. Il enseigna l’art oratoire à Lysias. Il forma les poëtes Evénus & Euripide. On croit même qu’il concourut avec ce dernier dans la composition des tragédies qui portent son nom.

Son disciple Aristippe fonda la secte cyrénaïque, Phédon l’éliaque, Euclide la mégarique, Platon l’académique, Anthistène la cynique.

Xénophon, Eschine, Criton, Simon & Cebès, se contenterent de l’honneur de l’avoir eu pour maître.

Xénophon naquit dans la quatre vingt-deuxieme olympiade. Socrate l’ayant rencontré dans une rue, comme il passoit, mis son bâton en travers, l’arrêta, & lui demanda où se vendoient les choses nécessaires