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Jupiter Hercéus ; mais il en fut seulement arraché par force, & ce malheureux roi se traîna jusqu’au seuil de son palais, où il rencontra Néoptoleme, qui n’eut pas de peine à lui ôter le peu de vie que sa vieillesse & ses infortunes lui avoient laissé. (D. J.)

HERCK, (Géog.) ville du pays de Liége, près des frontieres du Brabant, sur une riviere de même nom.

HERCULANUM, (Géog. anc.) autrement HERCULANEUM, HERCULANIUM, & HERCULEUM, ancienne ville d’Italie dans la Campanie, sur la côte de la mer, vis-à-vis du Vésuve. Pline, liv. III. c. v. la met entre Naples & Pompeii. Paterculus, liv. II. c. vj, ainsi que Florus, liv. I. c. xvj, disent qu’elle fut conquise par les Romains durant les guerres des alliés ; & Columelle, liv. X, ne parle que de ses salines, qu’il nomme salines d’Hercule.

Quæ dulcis Pompeia palus, vicina salinis
Herculeis.

Mais l’affreuse éruption du Vésuve, qui engloutit cette ville avec d’autres de la Campanie, est une époque bien célebre dans l’histoire : on la date la premiere année de l’empire de Titus, & la 79e de l’ere chrétienne.

La description de cet évenement a été donnée par Pline le jeune, témoin oculaire. On sait que son oncle le naturaliste y perdit la vie ; il se trouvoit pour lors au cap de Misene en qualité de commandant de la flotte des Romains. Spectateur d’un phénomene inoui & terrible, il voulut s’approcher du rivage d’Herculanum, pour porter, dit M. Venuti, quelques secours à tant de victimes de ces efforts insensés de la nature ; la cendre, les flammes, & les pierres calcinées remplissoient l’air, obscurcissoient le soleil, détruisoient pêle-mêle les hommes, les troupeaux, les poissons, & les oiseaux. La pluie de cendres & l’épouvante, s’étendirent non seulement jusqu’à Rome, mais dans l’Afrique, l’Egypte & la Syrie. Enfin les deux villes d’Herculanum & de Pompeii, périrent avec leurs habitans, ainsi qu’avec l’historien naturaliste de l’univers ; sur quoi Pline le jeune remarque noblement que la mort de son oncle a été causée par un accident mémorable, qui ayant enveloppé des villes & des peuples entiers, doit contribuer à éterniser sa mémoire.

Ce desastre avoit été précédé d’un furieux tremblement de terre, arrivé 13 ans auparavant, l’an 63 de J. C. sous le consulat de Régulus & de Virginius ; & même alors, selon plusieurs auteurs, la plus grande partie d’Herculaneum fut abîmée.

Quoi qu’il en soit, cette ville voisine de la mer, située à quatre milles environ de Naples, fut ensevelie dans les entrailles de la terre, vers l’espace qui est entre la maison royale de Portici, & le village de Rétine ; son port n’étoit pas loin du mont Vésuve. A quatre milles pareillement de Naples, mais du côté du levant, on trouve sous la même montagne, le hameau nommé Torre del Greco, la Tour du Grec, où l’on croit aussi qu’est enterrée la ville de Pompeii.

L’époque de la fondation d’Herculaneum est inconnue ; l’on conjecture seulement du récit de Denis d’Halycarnasse, que cette fondation peut être placée 60 ans avant la guerre de Troie, & par conséquent 1342 avant J. C. Il suivroit de là qu’Herculanum auroit subsisté plus de 1400 ans ; mais sans nous arrêter à discuter le terme de sa durée, ou les circonstances de sa ruine, essayons plûtôt de retracer l’histoire heureuse de sa découverte, & pour ainsi dire, de sa résurrection.

Il y a près de dix ans que l’on parle toûjours avec admiration de cette découverte. Tous ceux

qui cultivent les lettres, les sciences & les arts, y sont intéressés : une ville célebre engloutie de puis plus de 1600 ans, & rendue en quelque façon à la lumiere, a sans doute de quoi réveiller la plus grande indifférence ; tâchons même de contenter la curiosité.

Le prince d’Elbeuf bâtit vers l’an 1720 un logement à Portici sur le bord de la mer, & desirant de l’orner de marbres anciens, un paysan du lieu lui en apporta de très-beaux qu’il avoit trouvés en creusant son puits. Le prince acheta le terrain du paysan, & y fit travailler. Ses fouilles lui procurerent d’abord de nouveaux marbres en abondance, & ce qui valoit beaucoup mieux, sept statues de sculpture grecque. Les travailleurs poursuivant leur besogne, trouverent plusieurs colonnes d’albâtre fleuri, & de nouvelles statues, dont M. d’Elbeuf fit présent au prince Eugene de Savoie. A cette découverte de statues, succéda celle d’une grande quantité de marbres d’Afrique, qui servirent à faire une foule de petites tables ; ces richesses enflées encore par la bouche de la renommée, ouvrirent les yeux au gouvernement, qui devenu jaloux, fit suspendre & cesser les excavations.

Le souvenir de ce genre de découvertes, se conservoit précieusement dans le tems où le roi des deux Siciles choisit l’agréable situation de Portici, pour s’y ménager un séjour délicieux. Alors ce monarque ne songea qu’à poursuivre avec vigueur les fouilles entamées par le prince d’Elbeuf, & le succès surpassa de bien loin son attente. La terre ayant été creusée par ses ordres jusqu’à quatre-vingt piés de profondeur, l’on découvrit le sol d’une ville abîmée sous Portici & Rétine, villages distans de six milles de Naples, entre le mont Vésuve & le bord de la mer. Enfin, les excavations ayant été poussées plus avant, on a tiré de ce terrain tant d’antiquités de toute espece, que dans l’espace de six ou sept ans, elles ont formé au roi des deux Siciles un musée tel qu’un prince de la terre, quel qu’il soit, ne sauroit dans le cours de plusieurs siecles, s’en procurer un pareil.

Voilà l’avantage des potentats : un particulier, comme le prince d’Elbeuf, auroit encore trouvé quelques fragmens d’antiquités ; mais le roi de Naples faisant creuser dans le grand, & en ayant les moyens, a déterré une ville entiere, pleine d’embellissemens, de théatres, de temples, de peintures, de statues colossales & équestres, de bronzes, & de marbres enfouis dans le sein de la terre. Détaillons toutes ces merveilles.

Parmi les débris d’Herculanum, on y reconnut du premier coup d’œil, des édifices d’une grande étendue. De ce nombre sont un temple où étoit une statue de Jupiter, & un théatre bien conservé ; comme c’est ici le premier, & le plus beau des monumens que l’on a découvert, commençons par le décrire.

Ce théatre ayant été mesuré autant que le travail, & les terres amoncelées purent le permettre, l’on a jugé que sa circonférence extérieure étoit de 290 piés, & l’intérieure de 230 piés jusqu’à la scene ; sa largeur étoit en-dehors de 160 piés, & en-dedans de 150 ; le lieu de la scene avoit environ 72 piés de large, & 30 de profondeur.

La forme de ce théatre est celle d’un demi-cercle, contenant 18 gradins dans la partie de devant, chacun desquels part du même centre : ce demi-cercle se termine ensuite par les deux extrémités en un quarré divisé en trois parties.

Trois loges élevées l’une sur l’autre, non perpendiculairement, mais de maniere que les murs du dedans étoient successivement soûtenus par les gradins, servoient de portiques, pour entrer au théa-