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qu’ils ne se laissent prévenir à force d’importunités.

On obtenoit aussi autrefois en France, comme chez les Romains, que nul ne fût juge dans son pays, afin que le juge ne fût point détourné de son devoir par des motifs de considération pour ses parens, alliés, amis, voisins ou autres personnes à lui connues.

Anciennement les juges devoient être à jeun pour juger, c’est la disposition d’un capitulaire de Charlemagne de l’an 801, & d’un concile de Reims de l’an 813, ce qui ne s’observe plus ; on observe seulement que les procès-criminels doivent être vus le matin & non de relevée, & les juges ne sont pas obligés d’être à jeun même pour juger ces sortes d’affaires ; mais la prudence veut que s’ils déjeunent, ils le fassent sobrement.

Quant au nombre de juges qu’il faut pour rendre un jugement, cela dépend des tribunaux & de la nature des affaires.

Dans les justices seigneuriales & dans les petites justices royales, il n’y a ordinairement qu’un seul juge pour rendre une sentence ; mais dans les affaires criminelles, il en faut au moins trois, de sorte que s’il n’y en a pas, le juge appelle avec lui deux gradués.

Au châtelet de Paris, il faut du moins cinq juges pour rendre une sentence en la chambre du conseil.

Il y a quelques tribunaux qui ne peuvent juger qu’au nombre de cinq, tels que le conseil souverain de Roussillon.

Les présidiaux ne peuvent juger qu’au nombre de sept, autrefois il falloit y être au nombre de douze & même treize pour juger une proposition d’erreur, ce qui a été abrogé.

Les parlemens de Grenoble, Aix & Dijon, jugent au nombre de sept, comme font aussi les maîtres des requêtes au souverain ; le parlement de Paris ne juge qu’au nombre de dix.

Au conseil du roi, il n’y a point de nombre fixe de juges pour rendre un arrêt.

Les juges doivent écouter avec attention les avocats & procureurs des parties, ou celui d’entre eux qui fait le rapport de l’affaire ; ceux qui ont manqué d’assister à quelque plaidoirie ou à une partie du rapport ne peuvent plus être du nombre des juges pour cette affaire.

Il n’est pas permis au juge de réformer lui-même sa sentence, elle ne peut être réformée que par un juge supérieur ; c’est pourquoi Philippe de Macédoine aima mieux payer l’amende, en laquelle, étant endormi, il avoit condamné un homme, que de révoquer sa sentence.

Les juges qui manquent à leur devoir ou qui prévariquent dans leurs fonctions sont sujets à diverses peines.

Nous voyons dans l’antiquité que Cambyse, roi de Perse, fit écorcher un juge pour avoir jugé faussement ; Artaxercès traita de même de mauvais juges, & fit asseoir sur leurs peaux leurs successeurs.

Les anciennes ordonnances du royaume veulent que les juges qui ne feront pas le procès aux délinquans, soient tenus de payer le dommage.

Dans les pays coutumiers, lorsque l’on se plaignoit d’un jugement, on intimoit le juge pour voir infirmer ou confirmer le jugement, & l’on ajournoit la partie, & lorsque le juge avoit mal jugé on le condamnoit en l’amende ; présentement on n’intime plus que la partie qui a obtenu la sentence, à moins qu’il n’y ait des causes pour prendre le juge à partie ; il est seulement resté de l’ancien usage que les juges du châtelet assistent à l’ouverture du rolle de Paris.

Il n’est pas permis aux juges de se rendre adjudicataires des biens qui se vendent en leur siege ou qui s’y

donnent à bail judiciaire ; ils doivent aussi observer toutes les bienséances qui conviennent à leur état ; par exemple, il est défendu aux juges royaux de faire commerce.

Les juges de seigneurs peuvent être destitués ad nutum, à moins qu’ils n’ayent payé une finance pour leur office, auquel cas ils ne peuvent être destitués qu’en les remboursant.

La destitution ne doit point être faite cum elogio, à moins que le seigneur ne soit en état de prouver les faits.

Pour ce qui est des juges royaux depuis la vénalité des charges, ils ne peuvent plus être destitués que pour malversation.

Voyez au code les titres de officio civilium judicum, de officio diversorum judicum, de sententiis judicum, le dictionnaire de Drillon au mot Juge, & ci-après aux mots Justice, Lieutenant, Magistrat. (A)

Juge d’appeaux ou d’appel, est celui devant lequel ressortit l’appel d’un juge inférieur. On disoit autrefois juge d’appeaux ; on dit présentement juge d’appel. On l’appelle aussi juge ad quem. Au reste, cette qualité n’est pas absolue pour les juges inférieurs, mais seulement relative ; car le même juge qui est qualifié juge d’appel, par rapport à celui qui y ressortit, est lui-même qualifié de juge à quoi, relativement à un autre juge qui est son supérieur, & auquel ressortit l’appel de ses jugemens. Voyez Juge a quoi. (A.)

Juge d’appel est celui qui connoît d’appel de la sentence d’un juge inférieur ; au lieu que le juge dont est appel, est le juge inférieur dont l’appel ressortit au juge d’appel qui est son supérieur. Voyez Appel. (A.)

Juge dont est appel, ne signifie pas simplement celui des jugemens duquel on peut appeller, mais celui dont la sentence fait actuellement la matiere d’un appel. Voyez Juge d’appel & Juge a quo. (A.)

Juge d’armes est un officier royal établi pour connoître de toutes les contestations & différends qui arrivent à l’occasion des armoiries, circonstances & dépendances, & pour dresser des registres dans lesquels il employe le nom & les armes des personnes nobles & autres, qui ont droit d’avoir des armoiries.

Cet officier a succédé au maréchal d’armes, qui fut établi par Charles VIII. en 1487, pour écrire, peindre & blasonner dans les registres publics, le nom & les armes de toutes les personnes qui avoient droit d’en porter.

La noblesse de France, animée du même esprit, supplia le roi Louis XIII. de créer un juge d’armes ; ce qu’il fit par Edit de Janvier 1615, lequel lui donne plein pouvoir de juger des blasons, fautes & méséances des armoiries, & de ceux qui en peuvent & doivent porter, & des différends à ce sujet, à l’exclusion de tous autres juges : voulant S. M. que les sentences & jugemens de ce juge ressortissent nuement devant les maréchaux de France.

L’office de juge d’armes fut supprimé en 1696, & en sa place on créa un grand-maître de l’armoirie général, pour juger en dernier ressort l’appel des maîtres particuliers, qui furent aussi créés dans chaque province ; mais ces officiers furent eux-mêmes supprimés en 1700 ; & par Edit du mois d’Août 1707, celui de juge d’armes fut rétabli. Voyez Armoiries. (A.)

Juge d’attribution est un juge extraordinaire, auquel le roi a attribué la connoissance de toutes les affaires d’une certaine nature ; tels sont les chambres des comptes, cours des aides, cours des monnoies, les élections, greniers à sel, les juges