Page:Dornis - Leconte de Lisle intime, 1895.djvu/43

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ger. Nous causions des poètes français et anglais, soudain le chansonnier déclara :

— « Quant à Byron, je compose des poèmes qui ressemblent aux siens, notamment quand je dors.

— « Ah ! mon cher maître, lui répondis-je, que n’avez-vous dormi toute votre vie ! »

« Je m’en allai, je ne l’ai plus revu. »

Une autre fois, c’était George Sand qui faisait les frais de sa malice :

« Elle habitait alors rue Gay-Lussac, où je lui avais été amené par un ami commun. Je vis une petite femme à grosse tête, avec un front large et de grands yeux calmes. Elle m’avait écrit pour me remercier de mon envoi des Poèmes antiques, et je venais lui présenter mes hommages. Elle me tendit la main, me fit signe de m’asseoir, s’assit elle-même derrière un bureau encombré de papiers, m’offrit un cigare, alluma une cigarette et se mit à me fixer sans rien dire. Nous restâmes ainsi à nous regarder en fumant pendant plusieurs minutes, elle très calme, moi très embarrassé. Enfin, elle jeta brusquement sa cigarette, soupira et me dit :

— « Je vous contemple comme un paysage inconnu ! »

« Je ne pus m’empêcher de sourire, et j’osai alors lui exprimer mon admiration — pour son beau génie, — ce qui ne parut pas lui déplaire. »

Elles sont innombrables, les histoires que Leconte de Lisle se plaisait à égrener ainsi dans des causeries charmantes, où sa verve éclatait en saillies imprévues. Et avec