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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

— Je ne désire que prendre des nouvelles de Votre Excellence. Généralement le manque d’habitude fait qu’au début chacun ici se sent un peu à l’étroit… Le général Pervoiedov serait honoré de faire votre connaissance et espère…

— Pervoiedov ! Jamais entendu parler de Pervoiedov…

— Que votre Excellence m’excuse, le général Vassili Vassilievitch Pervoiedov.

— Vous êtes le général Pervoiedov ?…

— … Pas moi, Excellence. Je suis le conseiller Lebeziatnikov, pour vous servir, et le général…

— Vous m’ennuyez ! Laissez-moi tranquille !

Cette amabilité calma le zèle de Lebeziatnikov, auquel le général lui-même souffla : « Laissez-le ».

— Oui, général, je le laisse, répondit le fonctionnaire. Il n’est pas encore bien éveillé… Prenons cela en considération… Quand ses idées seront plus claires, je suis sûr que sa politesse naturelle…

— Laissez-le ! répéta le général.

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— Vassili Vassilievitch, eh vous, Excellence ! clama du côté d’Avdotia Ignatievna une voix encore inconnue, une voix affecté d’homme du monde, je vous écoute depuis un bon moment. Je suis ici depuis trois jours. Vous souvenez-vous de moi, Vassili Vassilievitch ? Je me nomme Klinevitch. Nous nous sommes rencontrés chez Volokonsky, dans la maison duquel, je ne sais pourquoi, on vous laissait aussi entrer.

— Comment ? Le comte Piotr Petrovitch ? C’est vraiment vous ?… Si jeune ! Combien je regrette…

— Moi aussi, je regrette ! Bah ! Après tout, cela m’est bien égal. Je l’ai eue courte et bonne !… Vous savez, je ne suis pas comte, rien que baron. Et nous sommes de tristes barons dans la famille, valets d’origine et peu recommandables, mais je m’en f… pardon ! je m’en moque. Moi je valais un peu moins que rien, — j’étais un polichinelle du soi-disant grand monde, où l’on m’avait fait une réputation de charmant polisson. Mon père était un malheureux général quelconque et ma mère a été autrefois… reçue en haut lieu. — Avec l’aide du juif