Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ments, rares, il est vrai, où il oubliait son amour-propre au point qu’il lui était indifférent de n’avoir plus sa voiture à lui, de courir les tribunaux à pied, dans une tenue négligée ; s’il arrivait que l’un ou l’autre de ses anciens amis le toisât dans la rue d’un œil moqueur, ou fît mine de ne pas le reconnaître, son orgueil était tel qu’il ne s’en offusquait plus. Et c’est très sincèrement qu’il ne s’en offusquait plus. C’était, à vrai dire, fort rare : c’était là des moments passagers où il s’oubliait lui-même ; mais, d’une manière générale, il est certain que sa vanité se désintéressait peu à peu des objets qui l’affectaient autrefois, et se concentrait sur un seul objet, toujours présent à son esprit.

« Oui, songeait-il avec sarcasme (il était presque toujours sarcastique lorsqu’il songeait à lui-même), il y a quelqu’un, sans doute, qui s’occupe de me rendre meilleur, et qui me suggère tous ces souvenirs maudits, et toutes ces larmes de repentir. Soit. Et puis après ? Tout cela, c’est de la poudre aux moineaux. C’est très bien, les larmes de repentir, mais ne suis-je pas certain qu’avec mes quarante ans, mes quarante ans d’une existence stupide, je n’ai pas une miette de libre arbitre ? Que demain la