Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/32

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« Je suis hypocondriaque, c’est vrai ; je suis toujours prêt à faire d’une mouche un éléphant, c’est encore vrai ; mais tout cela serait-il moins pénible pour n’être qu’une imagination ? — Si un pareil coquin peut se permettre de bouleverser complètement un homme, alors… alors… »

Cette fois, en effet, à la cinquième rencontre, qui avait eu lieu ce jour-là et qui avait mis Veltchaninov hors de lui, l’éléphant n’était guère qu’une mouche. L’homme avait passé, mais, cette fois, n’avait pas dévisagé Veltchaninov, n’avait pas fait mine de le connaître : il marchait les yeux baissés, et semblait très désireux de n’être pas remarqué. Veltchaninov s’était dirigé vers lui, et lui avait crié à pleine voix :

— Dites donc, l’homme qui crêpe ! Vous vous sauvez, à présent ! Arrêtez donc ! Qui êtes-vous ?

La question, et toute cette interpellation, n’avait aucune espèce de sens. Mais Veltchaninov ne s’en aperçut qu’après avoir crié. L’homme ainsi interpellé s’était retourné, s’était arrêté un instant, avait paru hésiter, avait souri, avait paru vouloir dire ou faire quelque chose, était resté extrêmement indécis, puis s’était brusquement éloigné sans regarder derrière lui.