Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

deaux de soie qui le défendaient parfaitement de la lumière du dehors. Laissant entrer le jour, et oubliant la bougie allumée sur la table, il se mit à se promener de long en large, tout entier à une sensation de souffrance poignante. L’impression que lui avait laissée son rêve persistait. Il éprouvait toujours une douleur profonde à l’idée qu’il avait pu lever la main sur cet homme et le frapper.

« Mais il n’existe pas, cet homme, et il n’a jamais existé ! Toute cette histoire dont je m’afflige n’est qu’un rêve ! »

Résolument, comme si sur ce point se concentraient tous ses soucis, il se mit à penser que décidément il était malade, « un homme malade ».

Il lui avait toujours été pénible de reconnaître qu’il vieillissait ou que sa santé était mauvaise, et, dans ses heures noires, il mettait de l’acharnement à s’exagérer l’un ou l’autre de ces maux, à dessein, pour se railler lui-même.

— C’est la vieillesse ! Oui, je vieillis terriblement, murmura-t-il en marchant de long en large. Je perds la mémoire, j’ai des visions, des rêves, j’entends des coups de sonnette… Le diable m’emporte ! Je sais par expérience que des cauchemars de ce genre sont chez moi