Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/153

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Pourquoi emportes-tu la pelisse ? Ha, ha, ha ! Mais tu es fou, sans doute ?

Le prince revint sur ses pas et regarda Nastasia Philippovna avec stupéfaction. En la voyant rire, il sourit lui-même, mais sa langue restait toujours comme collée à son palais. Au moment où il avait ouvert la porte à la jeune femme, il était devenu pâle ; maintenant le sang lui montait tout à coup au visage.

— Mais qu’est-ce que c’est que cet idiot ? cria-t-elle en trépignant de colère. — Eh bien, où vas-tu ? Qui donc annonceras-tu ?

— Nastasia Philippovna, balbutia le prince.

— Comment me connais-tu ? lui demanda-t-elle vivement : — je ne t’ai jamais tant vu qu’aujourd’hui ! Va m’annoncer… Pourquoi crie-t-on là ?

— Ils se disputent, répondit le prince, et il se rendit au salon.

Au moment où il y entra, les choses menaçaient de prendre une mauvaise tournure ; Nina Alexandrovna était sur le point d’oublier complètement qu’elle s’était « soumise à tout » ; du reste, elle défendait Varia. Ptitzine, qui avait remis son papier dans sa poche, se tenait aussi du côté de la jeune fille. Celle-ci, dont la timidité n’était pas le défaut, recevait d’ailleurs sans sourciller les grossièretés de plus en plus brutales de son frère. D’ordinaire, en pareil cas, elle se taisait et se contentait de fixer Gania d’un air moqueur. Elle savait que la persistance de ce regard avait le don de l’exaspérer. Telle était la situation lorsque le prince, entrant dans la chambre, annonça :

— Nastasia Philippovna !

IX

Un silence général suivit ces mots ; tous regardèrent le prince comme s’ils ne le comprenaient pas et désiraient