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— Malheureusement je crois que je suis obligé d’y aller aussi, dit Mioussov avec amertume, sans même remarquer que le moine l’écoutait. — Il faudra nous excuser, expliquer que ce n’était pas notre faute. Qu’en pensez-vous ?

— Sans doute. D’ailleurs mon père n’y sera pas, dit Ivan Fédorovitch.

— Oh ! le maudit dîner !

Cependant, tous s’y rendirent. Le petit moine écoutait silencieusement. Ce fut seulement en traversant le jardin qu’il observa que le Père supérieur attendait depuis une demi-heure déjà. Personne ne souffla mot. Mioussov jetait à Ivan Fédorovitch des regards de haine.

« Et il y va ! comme si rien ne s’était passé ! pensait-il ; un front d’airain et une conscience de Karamazov ! »

VI

Alioscha accompagna le starets dans sa chambre à coucher et l’aida à s’asseoir sur le lit. La cellule était très-exiguë, très-succinctement meublée : une étroite couchette en fer, garnie d’une couverture en feutre au lieu de matelas ; dans un coin, près des icônes, un petit autel surmonté d’une croix placée sur le livre des évangiles. Le starets s’assit, très-las. Ses yeux brillaient de fièvre, il respirait difficilement. Il regarda Alioscha d’un œil fixe, comme s’il eût été absorbé dans ses pensées.