Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/17

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Quant à ma mère, jusqu’à ses dix-huit ans, Tatiana Pavlovna la garda près d’elle, malgré les instances de l’intendant qui voulait l’envoyer en apprentissage à Moscou. Tatiana Pavlovna lui donna une certaine éducation, c’est-à-dire l’initia à la couture, à la coupe, aux belles manières et même à la lecture. Ma mère ne sut jam ais écrire correctement. Son mariage avec Macaire Ivanovitch, elle ne l’avait jamais mis en question. N’était-ce pas une affaire définitivement résolue? Elle marcha à l’autel de l’air le plus placide, si bien que Tatiana Pavlovna elle-même lui décerna à cette occasion le nom de « moule ». Tout cela sur le caractère de ma mère, je l’ai appris de Tatiana Pav­lovna elle-même. Versilov arriva à la campagne juste six mois après ce mariage.

IV

Jamais je n ’ai pu savoir ni présumer comment les choses ont commencé entre lui et ma mère. Je veux bien croire, comme il me l’a affirmé lui-même l’an­née dernière non sans que son visage s’empourprât, qu’il n’y eut aucun roman entre eux et que tout se passa comme ça. « Comme ça », j’en conviens, a de la saveur, mais une saveur un peu vague, et je serais curieux de savoir comment les choses ont pu se passer. J’ai une sincère répugnance pour cer­taines saletés; mais je ne crois pas que, dans le cas actuel, m a curiosité soit une curiosité malsaine. D’ailleurs, l’année dernière, je connaissais à peine ma mère; dès l’enfance on m’a confié à des étran­-