Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

style!... J’étais un méchant gamin...; il fallait me mettre au pain sec...; j’étais un nihiliste...; elles re­querraient un policier...; je parlais ainsi, profitant de ce qu’elles étaient seules, faibles femmes..., un homme me ferait fuir instantanément... Et force au­tres sornettes. Je leur enjoignis, très froidement, d’avoir à me laisser tranquille, leur déclarant, au surplus, que j’allais passer sur l’autre trottoir. J’ajoutai que, pour bien marquer que je n’avais pas peur des... hommes dont elles me menaçaient, je les accompagnerais, à vingt pas en arrière, jusqu’à leur domicile, puis que je stationnerais devant la porte, pour attendre leurs champions. Et ainsi ai-je fait.

— Mais enfin...

— D’accord... C’était une sottise ; mais elles m’avaient échauffé les oreilles. Trois verstes durant, elles m’ont traîné à leurs trousses, par une chaleur caniculaire ; puis elles sont entrées dans une maison en bois à un étage, oh ! une maison très convenable. Par la fenêtre je distinguais dans ce logis des fleurs en abondance, deux serins, trois bichons et des es­tampes dans des cadres. Je m’installai au milieu de la rue devant la maison, et restai là à peu près une demi-heure. A trois reprises, elles me regardèrent ; ensuite elles baissèrent tous les stores. Enfin, de la porte cochère sortit un homme âgé, qui paraissait tout endormi ; manifestement on l’avait réveillé en mon honneur. Il s’arrêta tout près du porche, mit les mains derrière son dos et commença à me regarder. Et moi, je le regardai aussi. Il détourna les yeux, de­rechef me regarda, et tout d’un coup sa figure se détendit en un sourire... Je partis.

— Mon ami, c’est du Schiller que tu me racon­tes là ! Mais je m’étonne qu’un gaillard de ta sorte,