Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/109

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— Pourquoi ?

— Parce que tu regardais. Quand j’ai vu que tu regardais… Ah ! advienne que pourra ! Je t’ai fait peur, hein ? Tu as eu peur pour moi ?

— Terriblement.

— Je l’ai vu. Et comme j’étais heureuse quand Falstaff s’en est allé. Mon Dieu que j’étais émue quand enfin ce monstre est parti !

La petite princesse éclata d’un rire nerveux. Puis, tout d’un coup elle souleva sa tête brûlante et se mit à me regarder fixement. Des larmes, comme des perles, tremblaient au bord de ses longs cils.

— Et qu’est-ce qu’il y a en toi pour que je t’aime tant ? Tu es pâlotte, tes cheveux sont blonds, tu es sotte, pleurnicheuse, des petits yeux bleus, une petite orpheline !

Catherine se pencha et de nouveau se mit à m’embrasser sans fin… Quelques larmes coulèrent sur mes joues. Elle était profondément émue.

— Et comme je t’aimais ! Mais je pensais ! non, non je ne lui dirai pas ! Et pourquoi m’obstinais-je ainsi ? De quoi avais-je peur ? Pourquoi avais-je honte de toi ? Regarde comme nous sommes bien maintenant.

— Catherine ! m’écriai-je, folle de joie. Je souffre de bonheur !

— Niétotchka, écoute… Mais dis-moi qui t’a donné ce nom, Niétotchka ?

— Maman.

— Tu me raconteras sur ta maman ?

— Tout, tout ! criai-je enthousiasmée.

— Et où as-tu mis mes deux mouchoirs à dentelle et le ruban ? Pourquoi les as-tu emportés ? Ah ! coquine, je le sais !

Je ris et rougis jusqu’aux larmes.

— Non, pensais-je, je la tourmenterai, qu’elle attende… Et parfois je me disais : mais je ne l’aime pas du tout, je la déteste… Et toi, tu es douce comme une brebis ! Et comme j’avais peur que tu me croies sotte ! Tu es intelligente, Niétotchka. N’est-ce pas que tu es intelligente, dis ?

— Assez, Catherine, répondis-je presque offensée.

— Non, tu es très intelligente, dit Catherine résolument et