Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/88

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— « Ils étaient pauvres ?

— « Oui.

— « Très pauvres ?

— « Oui.

— « Ils ne vous ont rien appris ?

— « Ils m’ont appris à lire.

— « Vous aviez des jouets ?

— « Non.

— « Et des gâteaux, en aviez-vous ?

— « Non.

— « Combien de chambres aviez-vous ?

— « Une.

— « Une seule chambre ?

— « Oui.

— « Et des domestiques, vous en aviez ?

— « Non, nous n’avions pas de domestiques.

— « Et qui donc vous servait ?

— « J’allais faire les commissions moi-même. »

Les questions de la princesse m’irritaient de plus en plus. Mes souvenirs, ma solitude, l’étonnement de la princesse, tout cela frappait, blessait mon cœur qui saignait. Je tremblais toute d’émotion et les sanglots m’étouffaient.

— « Alors vous êtes contente de vivre chez nous ? »

Je me tus.

— « Vous aviez une belle robe ?

— « Non.

— « Une vilaine ?

— « Oui.

— « J’ai vu votre robe. On me l’a montrée.

— « Alors pourquoi me le demandez-vous ? m’écriai-je toute tremblante d’une nouvelle sensation, inconnue de moi, en me levant de ma place. Pourquoi me questionnez-vous ? continuai-je, rouge d’indignation. Pourquoi vous moquez-vous de moi ? »

La princesse rougit et se leva aussi, mais elle réprima aussitôt son émotion.

— « Non… Je ne me moque pas, dit-elle. Je voulais seulement savoir si c’est vrai que vos parents étaient pauvres.

— « Pourquoi me questionnez-vous sur mes parents ? dis-