Page:Doyle - Du mystérieux au tragique.djvu/59

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On distinguait dans le détail de leurs traits les horribles faces d’où s’échappaient des imprécations, par intervalles (p. 60)


LE POT DE CAVIAR


L’on était au quatrième jour du siège. Munitions et provisions touchaient à leur fin. Quand l’insurrection des Boxers, comme un incendie dans les herbes sèches, avait flambé tout d’un coup au nord de la Chine, les quelques Européens disséminés dans les provinces lointaines avaient rallié le premier poste de défense ; et ils y défendaient chèrement leur vie, en attendant d’être secourus – ou de ne pas l’être. Dans ce dernier cas, autant ne rien dire du sort qu’on leur réservait ; et, dans le premier, on pourrait, aux visages qu’ils rapporteraient chez les hommes, connaître qu’ils avaient vu de près une de ces morts dont la pensée ne leur fût jamais venue, même en rêve.

Ichau n’était qu’à cinquante milles de la côte, et une escadre européenne croisait dans le golfe de Liang-Toung. Aussi, la pauvre petite garnison – composée de chrétiens indigènes et d’ouvriers du chemin de fer, sous les ordres d’un officier allemand qu’assistaient quelques civils Européens – tenait-elle vaillamment, convaincue que, des petites collines de l’Est, le secours allait bientôt descendre. On apercevait la mer du haut de ces collines, et sur la mer il y avait des compatriotes.

Postés aux meurtrières, sous l’abri croulant des murs de briques qui bordaient le petit quartier européen, ces braves tiraillaient avec ardeur, sinon avec efficacité, contre les lignes des Boxers, dont les retranchements de pierres sèches faisaient des progrès rapides. Dans un jour ou deux l’on serait certainement à bout de ressources ; non moins certainement, dans un jour ou deux l’on serait délivré. Que le secours dût arriver un peu plus tôt ou un peu plus tard, personne ne se risquait à prévoir qu’il ne dût pas