Page:Doyle - La Main brune.djvu/32

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caster Weekly. Je dois me contenter de les résumer jusqu’au moment où, le soir du premier jour, la déposition de Miss Francès Morton jeta un jour nouveau sur l’affaire.

Mr. Porlock Carr, qui soutenait l’accusation, avait ordonné les faits avec sa maîtrise habituelle, et, comme le jour s’avançait, on sentait de plus en plus difficile la tâche assumée par Mr. Humphrey, chargé de la défense. Plusieurs témoins répétèrent sous serment les propos immodérés tenus contre le docteur par le jeune squire, furieux de l’injure prétendument faite à sa sœur. Mrs. Madding renouvela sa déposition en ce qui concernait la présence de l’accusé chez la victime à une heure avancée de la nuit. Un autre témoin déclara que l’accusé, sachant l’habitude qu’avait le docteur de rester seul, le soir, dans une aile isolée de la maison, avait choisi intentionnellement cette heure tardive, où la victime serait à sa merci. Un domestique du squire dut avouer qu’il avait entendu son maître rentrer à trois heures du matin : ainsi, Mrs. Madding ne se trompait pas en déclarant l’avoir vu derrière les buissons de lauriers près de la grille. On insista sur le fait des chaussures boueuses et sur une similitude d’empreintes. Bref, les charges pouvaient ne tenir qu’à un concours de circonstances ; elles ne se présentaient pas moins comme assez complètes et convaincantes pour que le sort de l’accusé fût réglé si la défense n’apportait rien de nouveau. Il était trois heures quand l’avocat des poursuites passa la main au défenseur. À quatre heures et demie, quand la cour se leva, l’affaire avait pris un aspect auquel personne ne pouvait s’attendre. J’emprunte en partie au journal dont j’ai parlé le récit de l’incident et laisse de côté les observations préliminaires de l’avocat des poursuites.

Il se produisit un frémissement dans le public qui encombrait la salle des assises quand le premier témoin cité par la défense se trouva être Miss Francès Morton, la sœur de l’accusé. Nos lecteurs se rappellent que, la jeune lady ayant été fiancée au docteur Lana, la colère ressentie par son frère à la brusque rupture du mariage semblait avoir conduit le jeune homme au crime : cependant, Miss Morton n’avait été d’aucune façon impliquée dans l’affaire, ni à l’enquête, ni aux débats devant la cour de police ; et son apparition comme principal témoin de la défense surprit les assistants.

Miss Francès Morton, belle et grande personne brune, fit sa déposition d’une voix basse, mais distincte, bien qu’il y perçât une extrême et douloureuse émotion. Elle ne parla qu’indirectement de ses liens avec le docteur Lana, passa très vite sur leur rupture, l’attribuant à des raisons particulières concernant la famille de son fiancé, et ne laissa pas d’étonner la cour en déclarant qu’elle avait toujours considéré le ressentiment de son frère comme excessif et déraisonnable. Répondant à une question directe de son avocat, elle dit qu’elle n’avait aucun sujet de grief contre le docteur Lana et qu’à son sentiment il avait agi en parfait galant homme. Son frère, mal renseigné, avait vu différemment les choses ; elle était obligée de le reconnaître qu’en dépit de toutes ses supplications il avait menacé de se porter à des voies de fait sur le docteur, et, le soir du crime, manifesté l’intention d’en finir. Elle avait tenté l’impossible pour l’amener à des dispositions plus justes ; malheureusement, il était tenace dans ses rancunes et dans ses préjugés.

La déposition de la jeune lady semblait, jusque-là, défavorable à son frère : mais les questions de son avocat ne tardèrent pas à changer l’orientation de l’affaire ; et une ligne de défense se découvrit qu’on n’avait pas prévue.

Mr. Humphrey. — Croyez-vous votre frère coupable du crime ?

Le Juge. — Je ne saurais permettre cette question, Mr. Humphrey. Nous sommes ici pour juger sur des faits, non sur des opinions.

Mr. Humphrey. — Savez-vous que votre frère n’est pas coupable de la mort du docteur Lana ?

Miss Morton. — Je le sais.

Mr. Humphrey. — Pourquoi dites-vous le savoir ?

Miss Morton. — Parce que le docteur Lana n’est pas mort.

Cette déclaration causa une sensation dont la salle fut un instant à se remettre. Puis l’interrogatoire reprit :

Mr. Humphrey. — Et pourquoi dites-vous savoir, Miss Morton, que le docteur Lana n’est pas mort ?

Miss Morton. — Parce que depuis