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deux hommes en vêtements blancs m’attendaient au bord de la jetée. (p. 73.)


L’ILE HANTÉE


Ce ne fut pas une petite affaire que d’amener le Gamecock devant l’île ; car le fleuve avait roulé tant de limon qu’il formait banc à plusieurs milles dans l’Atlantique. La côte se montrait à peine quand le premier moutonnement des brisants nous signala le danger, et dès lors nous n’avançâmes qu’avec prudence. Finalement, nous manquâmes de profondeur, mais la factorerie avait détaché un canot, et le pilote Krou nous porta jusqu’à deux cents yards de l’île. Là, nous jetâmes l’ancre, avertis par les gestes du nègre que nous ne pouvions pas songer à pousser plus loin. Au bleu de la mer avait succédé le brun du fleuve. Même sous le couvert de l’île, le flot grondait et tourbillonnait autour des rames. Il semblait d’ailleurs en pleine crue, car il dépassait les racines des palmiers, et partout, au-dessus de la surface vaseuse et grasse, le courant charriait des pièces de bois et des débris de toute nature.

Tranquille sur la question du mouillage, je jugeai préférable de commencer tout de suite à faire de l’eau, car l’endroit avait tout l’air d’exhaler la fièvre. Le fleuve opaque, les rives de boue luisantes, le vert brillant et empoisonné de la jungle, la moite vapeur de l’atmosphère, c’étaient, pour qui savait les reconnaître, autant de dangereux symptômes. Je fis parer la grande chaloupe, avec deux grands muids d’une capacité suffisante pour durer jusqu’à Saint-Paul de Loanda. Moi-même je pris un canot et ramai dans la direction de l’île, car je pouvais voir, au-dessus des palmiers, les couleurs de l’Union Jack marquer la