Page:Doyle - La Marque des quatre.djvu/96

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je livrais en moi-même et des efforts que je faisais pour me contenir. Ma sympathie et ma tendresse allaient tout entières vers elle, comme, dans le jardin, ma main avait spontanément été chercher la sienne. Nous aurions pu vivre des années au milieu de toutes les conventions dont on entoure la vie et je n’aurais pas, je le sentais, appris à connaître cette nature douce et vaillante comme un seul jour avait suffi pour me la faire apprécier, grâce à cette succession d’événements étranges. Deux pensées cependant arrêtaient sur mes lèvres tous les mots de tendresse que j’aurais voulu lui murmurer. En premier lieu, elle se trouvait près de moi faible et sans défense, l’esprit et les nerfs tout ébranlés, et c’eût été une trahison que de la forcer à écouter en un pareil moment l’aveu de mon amour. En outre, et c’était là le plus terrible, elle était riche. Si Holmes réussissait dans ses recherches, elle allait devenir une héritière. Était-il honnête, était-il loyal, pour un pauvre médecin en demi-solde, de tirer ainsi parti des circonstances qui lui avaient valu une intimité si prompte ? Elle aurait été en droit de me considérer comme un vulgaire coureur de dot. Et je ne pouvais supporter la pensée de lui donner de moi une pareille