Page:Doyle - La Vallée de la peur.djvu/109

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« Watson, dit-il, prétend que j’apporte dans la vie des procédés de dramaturge. J’ai, en effet, un certain besoin d’art et de mise en scène. Notre profession, monsieur Mac, serait bien grise, bien médiocre, si parfois nous n’en relevions les gestes par un certain éclat théâtral. L’accusation pure et simple, la brutale mainmise de la loi sur le coupable, qu’est-ce que cela comme dénouement ? Mais la déduction rapide, le piège subtilement tendu, la prévision des événements à venir, le triomphe des théories hasardeuses, n’est-ce pas l’orgueil, la justification même de l’œuvre à laquelle nous vouons notre vie ? Vous voilà le cœur battant, émus comme des chasseurs à l’affût. Où serait l’émotion si l’affaire eût été réglée d’avance comme un horaire de chemin de fer ? Un peu de patience, monsieur Mac, vous ne tarderez pas à comprendre.

— Du moins, fit avec résignation le détective londonien, j’espère que vos belles promesses d’orgueil, de justification et de tout le reste n’attendront pas, pour se réaliser, que nous soyons morts de froid. »

Nous avions tous de bonnes raisons pour nous associer à ce vœu, car notre station semblait ne devoir pas finir de sitôt, et en s’éternisant elle devenait des plus pénibles. Sur la longue façade sombre du manoir s’épaississaient lentement les ténèbres. Il se dégageait du fossé une vapeur glaciale qui nous pénétrait