Page:Doyle - La Vallée de la peur.djvu/126

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Car, vraiment, c’était un recoin désolé. Jamais le pionnier qui pour la première fois le traversa n’eût imaginé que les plus riantes prairies, les pacages les mieux arrosés étaient de nulle valeur comparés à ce sombre pays de forêts et de roches. Par-dessus le noir fouillis des arbres, si serré qu’à peine on en pouvait franchir les bords, les hautes cimes nues des montagnes, neige blanche et granit dentelé, s’érigeaient aux deux flancs, laissant à leur centre la large vallée tortueuse que remontait lentement le petit train.

Les globes à pétrole venaient de s’allumer dans la voiture de tête, occupée par une trentaine de voyageurs, ouvriers pour la plupart, qui s’en revenaient, la journée finie, dans le bas de la vallée. Une douzaine au moins étaient des mineurs, reconnaissables à leurs visages barbouillés et à leurs lampes. Assis tous ensemble, ils fumaient et causaient à voix basse, en regardant, par intervalles, deux hommes assis sur la banquette opposée, qui portaient l’uniforme et les insignes de la police. Plusieurs femmes du peuple, un ou deux individus qui pouvaient être de petits commerçants locaux, enfin un jeune homme installé tout seul dans un coin, complétaient l’ensemble. Ce jeune homme nous intéresse : il mérite attention. De bonne mine et de taille moyenne, il va sur ses trente ans. Il a de grands yeux gris, intelligents et moqueurs, dont il cligne de temps à autre en observant, derrière son