Page:Doyle - La Vallée de la peur.djvu/139

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vagues commis ; et notre jeune Irlandais avait une autre envergure. Quand ils se réunissaient le soir, c’était lui qui plaisantait avec le plus de verve, causait avec le plus d’agrément, chantait avec le plus de goût. Il respirait la camaraderie, il dégageait un magnétisme de bonne humeur. Néanmoins, de temps en temps, il se montrait, comme il l’avait fait dans le wagon, sujet à des colères brusques et violentes, qui commandaient non seulement le respect, mais la crainte. Bien plus, il affectait, vis-à-vis de la loi et de tout ce qui touchait à la loi, un mépris qui ravissait d’aise certains de ses co-pensionnaires, mais ne laissait pas d’inquiéter les autres.

On sentait, de prime abord, à son admiration déclarée, que la fille de la maison avait gagné son cœur à l’instant où elle s’était révélée à lui dans sa beauté et dans sa grâce. Il n’était pas un soupirant timide. Il lui dit, dès le second jour, qu’il l’aimait, et il ne cessa plus de le lui redire, sans tenir compte de ce qu’elle pouvait répondre pour le décourager.

« Alors, c’est vrai, j’arrive deuxième ? s’écriait-il. Ma foi, je me moque bien du premier ! Qu’il prenne garde ! Moi, sacrifier à un rival le bonheur de ma vie, le désir de mon cœur ? Vous avez beau repousser mes offres, Ettie, le jour viendra où vous changerez de langage. Je suis assez jeune pour attendre. »

Et c’était un soupirant dangereux, avec ses façons gentilles, enveloppantes, avec cette facilité