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Il y a toujours, dans un village indien, de la corde de cuir en abondance. J’ai avec moi un Indien, envoyez-le.

— Qu’est-ce que cet homme ?

— Un des nôtres. Les autres l’ont battu et lui ont enlevé son argent. Alors, il est revenu vers nous. Il peut vous prendre une lettre, vous rapporter de la corde… tout ce que vous voudrez.

— Me prendre une lettre ? Pourquoi pas ? Et peut-être rapporterait-il, en effet, des moyens de secours ; en tous cas, grâce à lui, nous n’aurions pas inutilement sacrifié notre vie, puisque nos amis d’Angleterre sauraient ce que nous avions acquis pour la science. J’avais deux lettres déjà prêtes. Une troisième mettrait à jour cette relation. Je décidai de l’écrire et d’expédier le tout par l’Indien. En conséquence, j’ordonnai à Zambo de revenir dans la soirée, puis, seul et misérable, je passai la journée à dresser ce rapport des aventures de ma nuit précédente. Je rédigeai aussi, à l’adresse du premier marchand blanc ou capitaine de navire que mon Indien trouverait sur sa route, un billet le suppliant de nous envoyer des cordes, puisque notre salut en pouvait dépendre. Enfin, le soir, je lançai à Zambo ces papiers, en les accompagnant de ma bourse, qui contenait trois souverains. Il remit l’argent à l’Indien, et lui promit le double s’il rapportait les cordes.

Vous comprendrez, maintenant, comment vous parvient cette communication, mon cher Mc Ardle ; vous saurez la vérité si votre infortuné correspondant ne vous donne plus jamais de ses nouvelles. Tirer des plans me serait impossible ce soir, dans mon état de dépression et de fatigue ; mais il faut que j’avise demain aux moyens de rechercher mes amis, de retrouver leurs traces, sans perdre le contact avec le camp.

CHAPITRE XIII
Une scène que je n’oublierai jamais.


Comme le soleil déclinait sur ce triste jour, je vis, en bas, dans la vaste plaine, la silhouette solitaire de l’Indien. Notre chance tenait à cet homme. Je le regardai s’éloigner, disparaître dans les buées montantes que le soleil teintait de rose, entre la lointaine rivière et moi.

Il faisait noir quand je réintégrai notre camp dévasté. La dernière vision que j’emportai fut celle du feu rouge de Zambo, unique point lumineux qui brillât pour moi dans les ténèbres de l’univers, comme cette fidèle présence dans la nuit de mon âme. Néanmoins, pour la première fois depuis le coup qui m’accablait, j’éprouvai quelque satisfaction en songeant que le monde saurait ce que nous avions fait, et qu’au pis aller nos corps périraient, mais non pas nos mémoires, qui resteraient associées dans l’avenir aux résultats de nos efforts.

C’était une redoutable affaire que de dormir dans cette fatale enceinte ; c’en était une plus énervante encore que de dormir dans la brousse. Je devais choisir. D’une part, la prudence m’avertissait que j’avais à faire bonne garde ; d’autre part



RÉSUMÉ (suite)

vierge, aux confins du « Monde perdu », vaste plateau circonscrit par de hautes falaises qui défient absolument l’ascension. Ils font de vains efforts pour trouver une brèche dans cette énorme muraille circulaire. Enfin, Challenger s’avise d’un moyen héroïque. En face de la falaise se dresse une aiguille rocheuse d’égale élévation, dont l’escalade, est, sinon facile, du moins possible, et qui est surmontée d’un hêtre. Cet arbre, abattu, servira de pont. En effet, l’opération ayant réussi, les explorateurs prennent pied sur le sol mystérieux vers lequel les a guidés Challenger. Mais, aussitôt, la lâche trahison de deux métis, Gomez et Manoel, qu’ils s’étaient adjoints a Manaos, et qui viennent de précipiter dans l’abime le pont improvisé, les sépare, peut-être pour jamais, de la terre civilisée, avec laquelle ils n’ont plus de lien qu’en la personne du fidèle nègre Zambo, demeure au bas de la falaise. Remettant à plus tard le souci de s’évader du « Monde perdu », les voyageurs commencent à l’explorer et y font de fantastiques découvertes : ils voient s’ébattre dans une clairière toute une famille d’iguanodons, sorte de monstrueux kangourous ; ils sont attaqués par des ptérodactyles, qui ont un corps de serpent avec des ailes de chauves-souris ; ils sont menacés, enfin, dans leur campement même, par un monstrueux dinosaurien. Puis Malone, ayant escaladé un arbre et rencontré dans le feuillage un hideux homme-singe qui s’est enfui à son approche, entreprend à l’insu de ses compagnons endormis, la nuit venue, une promenade solitaire, dans l’espoir de découvrir de nouveaux prodiges. Au cours de sa dangereuse escapade, il constate avec émotion, à la vue de nombreuses lumières qui scintillent dans le lointain, que le « Monde perdu » est habité par des hommes. De retour au camp, – après n’avoir échappé que par miracle à une terrifiante poursuite, – il le trouve lamentablement dévasté. Une large flaque de sang rougit l’herbe. Summerlee, lord Roxton et Challenger ont disparu.