Page:Doyle - Nouvelles Aventures de Sherlock Holmes.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
L’ASSOCIATION DES HOMMES ROUX
[Illustration de G. da Fonseca]
il se hissa au-dessus du trou.

— Ayez soin, seulement, docteur, de vous munir de votre revolver ; nous courrons peut-être quelque danger.

Sherlock Holmes me fit de la main un geste d’adieu, tourna sur ses talons et disparut aussitôt dans la foule.

Je ne me crois pas plus bête qu’un autre, et cependant je me sens toujours écrasé par le sentiment de mon infériorité lorsque je suis en présence de Sherlock Holmes. Dans l’affaire que je raconte ici j’avais entendu ce qu’il avait entendu ; j’avais vu ce qu’il avait vu et cependant il voyait clairement non seulement ce qui était arrivé, mais ce qui devait arriver, là où pour moi tout était, confus et grotesque. En rentrant chez moi à Kensington, je me refaisais l’historique de cette aventure, depuis l’étrange récit du copiste de l’Encyclopédie, jusqu’à notre promenade dans le quartier de Saxe-Coburg square ; les mots sinistres, sur lesquels Sherlock Holmes m’avait quitté, me revenaient en mémoire ; que devait être cette expédition nocturne, et pourquoi me munir d’armes ? Quel était notre rendez-vous ? notre but ? Holmes m’avait bien donné à entendre que cet employé à figure pateline était un homme dangereux, un homme capable de faire un coup, mais… en vain essayais-je de comprendre ; et, devant cet insuccès, je cherchai à me soustraire à cette pensée, en attendant que notre promenade nocturne m’apportât une solution.

Il était neuf heures un quart lorsque je sortis de chez moi pour m’acheminer, à travers le parc et Oxford street, vers Baker street. Je vis deux hansoms à la porte de Sherlock Holmes, et lorsque je pénétrai dans le corridor, j’entendis distinctement plusieurs voix. Je trouvai effectivement Holmes en conversation très animée avec deux hommes, dont l’un, Peter Jones, était l’agent de police officiel, tandis que l’autre, un individu long, maigre, à la figure patibulaire, revêtu d’une redingote râpée et tenant à la main un chapeau luisant, m’était totalement inconnu.

— Ah ! nous voici au complet, dit Holmes, en boutonnant sa veste et en décrochant du porte-manteau sa lourde sacoche de chasse. Watson, vous connaissez, je crois, M. Jones, de Scotland Yard ? Permettez-moi de vous présenter