Page:Doyle - Un crime étrange.djvu/164

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matin Ferrier put constater que ses invisibles ennemis continuaient à tenir les comptes, en marquant, d’une façon bien apparente, le nombre de jours qui restait encore pour compléter le mois de grâce qu’on lui avait octroyé. Tantôt le chiffre fatal apparaissait sur le mur, tantôt il était écrit par terre, parfois encore on trouvait de petites affiches collées sur la grille du jardin. Et, malgré toute sa vigilance, jamais Ferrier ne put découvrir d’où provenaient ces avertissements journaliers. À leur aspect, il sentait une terreur presque superstitieuse l’envahir. Il devenait tout à la fois inquiet et agité, et l’on voyait se refléter dans ses yeux l’expression douloureuse d’un cerf aux abois. Un seul espoir lui restait encore, l’arrivée du jeune chasseur de la Nevada.

Les vingt jours de grâce s’étaient changés en quinze, les quinze n’étaient plus que dix et cependant aucune nouvelle de l’absent n’était parvenue à la ferme. Chaque fois qu’un cavalier passait sur la route, chaque fois qu’un conducteur excitait son attelage, le vieux fermier se précipitait à la grille, espérant que ses vœux étaient enfin exaucés. À la fin, lorsqu’il vit le chiffre 5 remplacé par un 4, le 4 par un 3, il perdit courage et renonça à tout espoir de salut. Abandonné à lui-même et ignorant comme il l’était de la région montagneuse qui entourait la colonie, il se rendait compte de son impuissance.