Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/101

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CXXXV



La terre y est fertile, amples les edifices,
Les poelles bigarrez, et les chambres de bois,
La police immuable, immuables les loix,
Et le peuple ennemi de forfaits et de vices.

Ils boivent nuict et jour en Bretons et Suisses,
Ils sont gras et refaits, et mangent plus que trois :
Voilà les compagnons et correcteurs des Rois,
Que le bon Rabelais a surnommez Saucisses.

Ils n’ont jamais changé leurs habits et façons,
Ils hurlent comme chiens leurs barbares chansons,
Ils comptent à leur mode, et de tout se font croire :

Ils ont force beaux lacs et force sources d’eau,
Force prez, force bois. J’ay du reste, Belleau,
Perdu le souvenir, tant ils me firent boire.

CXXXVI

Je les ay veus, Bizet, et si bien m’en souvient,
J’ay veu dessus leur front la repentance peinte,
Comme on voit ces esprits qui là-bas font leur plainte,
Ayant passé le lac d’où plus on ne revient.

Un croire de leger les fols y entretient
Sous un prétexte faux de liberté contrainte :
Les coulpables fuitifs y demeurent par crainte,
Les plus fins et rusez honte les y retient.

Au demeurant, Bizet, l’avarice et l’envie,
Et tout cela qui plus tormente nostre vie,
Domine en ce lieu là plus qu’en tout autre lieu.

Je ne viz onques tant l’un l’autre contre-dire,
Je ne viz onques tant l’un de l’autre mesdire :
Vray est que, comme ici, l’on n’y jure point Dieu.

CXXXVII

Scève, je me trouvay comme le fils d’Anchise
Entrant dans l’Elysee, et sortant des enfers,
Quand apres tant de monts de neiges tous couverts
Je vy ce beau Lyon, Lyon que tant je prise.