Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/108

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Tu ne viennes ici desfascher tes esprits,
Pour te mocquer des vers que je mets en lumiere,
Et que de mes escrits la leçon coustumiere,
Par faute d’entretien, ne te serve de ris.

Je te priray encor, quiconques tu puisse’ estre,
Qui, brave de la langue, et foible de la dextre,
De blesser mon renom te monstres toujours prest,

Ne mesdire de moy : ou prendre patience,
Si ce que ta bonté me preste en conscience,
Tu te le vois par moy rendre à double interest.

CLII

Si mes escrits, Ronsard, sont semez de ton los,
Et si le mien encor tu ne dedaignes dire,
D’estre enclos en mes vers ton honneur ne desire,
Et par là je ne cerche en tes vers estre enclos.

Laissons donc, je te pri, laissons causer ces sots,
Et ces petits gallands, qui ne sachant que dire,
Disent, voyant Ronsard et Bellay s’entr’escrire,
Que ce sont deux mulets qui se grattent le dos.

Nos louanges, Ronsard, ne font tort à personne :
Et quelle loy defend que l’un à l’autre en donne,
Si les amis entre eux des presens se font bien ?

On peut comme l’argent trafiquer la louange,
Et les louanges sont comme lettres de change,
Dont le change et le port, Ronsard, ne couste rien.

CLIII

On donne les degrez au sçavant escolier,
On donne les estats à l’homme de justice,
On donne au courtisan le riche benefice,
Et au bon capitaine on donne le collier :

On donne le butin au brave avanturier,
On donne à l’officier les droits de son office,
On donne au serviteur le gain de son service,
Et au docte poëte on donne le laurier.

Pourquoi donc fais-tu tant lamenter Calliope,
Du peu de bien qu’on fait à sa gentille troppe ?
Il faut, Jodelle, il faut autre labeur choisir,