Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/42

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À SON LIVRE

Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
Tu t’en iras sans moy voir la Court de mon Prince.
Hé chétif que je suis, combien en gré je prinsse,
Qu’un heur pareil au tien fust permis à mes yeux !

Là si quelqu’un vers toy se monstre gracieux,
Souhaitte luy qu’il vive heureux en sa province :
Mais si quelque malin obliquement te pince,
Souhaitte luy tes pleurs, et mon mal ennuyeux.

Souhaitte luy encor’ qu’il face un long voyage,
Et bien qu’il ait de veuë eslongné son mesnage,
Que son cœur, où qu’il voise, y soit tousjours present.

Souhaitte qu’il vieillisse en longue servitude,
Qu’il n’esprouve à la fin que toute ingratitude,
Et qu’on mange son bien pendant qu’il est absent.