Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Tu crois que je n’en sçay que par la renommee,
Et que quand j’auray dit que tu n’as point de foy,
Que tu es affronteur, que tu es traistre au Roy,
Que j’auray contre toy ma force consommee,

Tu penses que je n’ay rien de quoi me venger,
Sinon que tu n’es fait que pour boire et manger :
Mais j’ay bien quelque chose encores plus mordante,

Et quoy ? l’amour d’Orphee ? et que tu ne sceus onq
Que c’est de croire en Dieu ? non : quel vice est-ce donc ?
C’est, pour le faire court, que tu es un pedante.

LXVI

Ne t’esmerveille point que chacun il mesprise,
Qu’il dedaigne un chacun, qu’il n’estime que soy,
Qu’aux ouvrages d’autruy il vueille donner loy,
Et comme un Aristarq luy mesme s’auctorise.

Paschal, c’est un pedant’ : et quoy qu’il se desguise,
Sera tousjours pedant’, un pedant’ et un roy
Ne te semblent ils pas avoir je ne sçay quoy
De semblable, et que l’un à l’autre symbolise ?

Les sujects du pedant’ ce sont ses escholiers,
Ses classes, ses estats, ses regens officiers :
Son college (Paschal) est comme sa province.

Et c’est pourquoy jadis le Syracusien,
Ayant perdu le nom de roy Sicilien,
Voulut estre pedant’, ne pouvant estre prince.

LXVII

Magny, je ne puis voir un prodigue d’honneur,
Qui trouve tout bien fait, qui de tout s’emerveille,
Qui mes fautes approuve, et me flatte l’oreille,
Comme si j’estois prince ou quelque grand seigneur.

Mais je me fasche aussi d’un fascheux repreneur,
Qui du bon et mauvais fait censure pareille,
Qui se list volontiers, et semble qu’il sommeille
En lisant les chansons de quelque autre sonneur.