Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/73

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LXX

Si Pirithois ne fust aux enfers descendu,
L’amitié de Thesee seroit ensevelie,
Et Nise par sa mort n’eust la sienne ennoblie,
S’il n’eust veu sur le champ Eurial' estendu :

De Pylade le nom ne seroit entendu
Sans la fureur d’Oreste, et la foy de Pythie
Ne fust par tant d’escripts en lumiere sortie,
Si Damon ne se fust en sa place rendu :

Et je n’eusse esprouvé le tienne si muable,
Si Fortune vers moy n’eust esté variable.
Que puis-je faire donc, pour me venger de toy ?

Le mal que je te veux, c’est qu’un jour je te puisse
Faire en pareil endroit, mais par meilleur office,
Recognoistre ta faute, et voir quelle est ma foy.

LXXI

Ce brave qui se croit, pour un jacque de maille,
Estre un second Roland, ce dissimulateur,
Qui superbe aux amis, aux ennemis flatteur,
Contrefait l’habile homme et ne dit rien qui vaille,

Belleau, ne le croy pas : et quoy qu’il se travaille
De se feindre hardi d’un visage menteur,
N’ajouste point de foy à son parler vanteur,
Car oncq homme vaillant je n’ay vu de sa taille.

Il ne parle jamais que des faveurs qu’il a,
Il desdaigne son maistre, et courtise ceux-là
Qui ne font cas de luy : il brusle d’avarice :

Il fait du bon Chrestien, et n’a ny foy ni loy :
Il fait de l’amoureux, mais c’est comme je croy,
Pour couvrir le soupçon de quelque plus grand vice.

LXXII

Encores que l’on eust heureusement compris
Et la doctrine Grecque, et la Romaine ensemble,
Si est-ce (Gohorry) qu’ici, comme il me semble,
On peut apprendre encor', tant soit-on bien appris.