Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Je n’escris de bon heur, me trouvant malheureux,
Je n’escris de faveur, ne voyant ma Princesse,
Je n’escris de thresors, n’ayant point de richesse,
Je n’escris de santé, me sentant langoureux :

Je n’escris de la court, estant loin de mon Prince,
Je n’escris de la France, en estrange province,
Je n’escris de l’honneur, n’en voyant point ici :

Je n’escris d’amitié, ne trouvant que feintise,
Je n’escris de vertu, n’en trouvant point aussi,
Je n’escris de sçavoir, entre les gens d’Église.

LXXX

Si je monte au Palais, je n’y trouve qu’orgueil,
Que vice desguisé, qu’une cerimonie,
Qu’un bruit de tabourins, qu’une estrange harmonie,
Et de rouges habits un superbe appareil :

Si je descens en banque, un amas et recueil
De nouvelles je trouve, une usure infinie,
De riches Florentins une troppe bannie,
Et de pauvres Sienois un lamentable dueil :

Si je vais plus avant, quelque part où j’arrive,
Je trouve de Venus la grand’bande lascive
Dressant de tous costez mil’appas amoureux :

Si je passe plus outre, et de la Rome neuve
Entre en la vieille Rome, adonques je ne treuve
Que de vieux monuments un grand monceau pierreux.

LXXXI

Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré,
Et l’une chambre à l’autre egalement voisine
D’antichambre servir, de salle, et de cuisine,
En un petit recoin de dix pieds en carré :

Il fait bon voir autour le palais emmuré,
Et briguer là dedans ceste troppe divine,
L’un par ambition, l’autre par bonne mine,
Et par despit de l’un estre l’autre adoré :