Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/96

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Mais nous sommes faschez que l’Espagnole audace,
Qui plus que le François de repos a besoin,
Se vante avoir la guerre et la paix en son poing,
Et que de respirer nous luy donnons espace.

Il nous fasche d’ouïr noz pauvres alliez
Se plaindre à tous propos qu’on les ait oubliez,
Et qu’on donne au privé l’utilité commune.

Mais ce qui plus nous fasche, est que les estrangers
Disent plus que jamais, que nous sommes legers,
Et que nous ne sçavons cognoistre la fortune.

CXXIV

Le Roy (disent ici ces bannis de Florence)
Du sceptre d’Italie est frustré desormais,
Et son heureuse main cet heur n’aura jamais
De reprendre aux cheveux la fortune de France.

Le Pape mal content n’aura plus de fiance
En tous ces beaux desseins trop legerement faits,
Et l’exemple Sienois rendra par ceste paix
Suspecte aux estrangers la Françoise alliance.

L’Empereur affoibli ses forces reprendra,
L’Empire hereditaire à ce coup il rendra,
Et paisible à ce coup il rendra l’Angleterre.

Voilà que disent ceux, qui discourent du Roy :
Que leur respondrons-nous? Vineux, mande le moy,
Toy, qui sçais discourir et de paix et de guerre.

CXXV

Dedans le ventre obscur, où jadis fut enclos
Tout cela qui depuis a rempli ce grand vuide,
L’air, la terre, et le feu, et l’element liquide,
Et tout cela qu’Atlas soustient dessus son dos,

Les semences du Tout estoyent encor' en gros,
Le chaud avec le sec, le froid avec l’humide,
Et l’accord, qui depuis leur imposa la bride,
N’avoit encor' ouvert la porte du Chaos :

Car la guerre en avoit la serrure brouillee,
Et la clef en estoit par l’âge si rouillee