Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/99

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Je me resjouyssois d’estre eschappé au vice,
Aux Circes d’Italie, aux Sirenes d’amour,
Et d’avoir rapporté en France à mon retour
L’honneur que l’on s’acquiert d’un fidele service.

Las, mais après l’ennuy de si longue saison,
Mille soucis mordans je trouve en ma maison,
Qui me rongent le cœur sans espoir d’allegeance.

Adieu donques, Dorat, je suis encor Romain,
Si l’arc que les neuf sœurs te mirent en la main
Tu ne me preste ici, pour faire ma vengeance.

CXXXI

Morel, dont le sçavoir sur tout autre je prise,
Si quelqu’un de ceux-là, que le Prince Lorrain
Guida dernierement au rivage Romain,
Soit en bien, soit en mal, de Rome te devise :

Di, qu’il ne sçait que c’est du siege de l’Église,
N’y ayant esprouvé que la guerre, et la faim,
Que Rome n’est plus Rome, et que celuy en vain
Presume d’en juger, qui bien ne l’a comprise.

Celuy qui par la rue a veu publiquement
La courtisanne en coche, ou qui pompeusement
L’a peu voir à cheval en accoustrement d’homme

Superbe se monstrer : celuy qui de plain jour
Aux Cardinaux en cappe a veu faire l’amour,
C’est celuy seul, Morel, qui peut juger de Rome.

CXXXII

Vineux, je ne vis oncques si plaisante province.
Hostes si gracieux, ni peuple si humain,
Que ton petit Urbin, digne que sous sa main
Le tienne un si gentil et si vertueux Prince.

Quant à l’estat du Pape, il fallut que j’apprinse
À prendre en patience et la soif et la faim :
C’est pitié, comme là le peuple est inhumain,
Comme tout y est cher, et comme lon y pinse.

Mais tout cela n’est rien au prix du Ferrarois :
Car je ne voudrois pas pour le bien de deux Rois,