Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/255

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le sujet de la conversation, si tant est qu’elle daigne m’écouter ; car je crois que je lui paraîtrai fort sotte.

Adieu, ma reine ; vous devez être excédée de mon rabâchage ; mais je trouve qu’il arrive fort à propos. Lisez ma lettre le soir, à coup sûr elle vous servira d’opium ; mais, par grâce, ne vous endormez pas à la fin, ou du moins promettez-moi de lire les dernières lignes : à votre réveil, je veux que vous sachiez que je vous aime, que je vous en assure, et que vous devez compter sur moi comme sur vous-même que ne suis-je à portée de vous en donner des preuves !

Ma sœur me charge de vous faire mille compliments et amitiés nous parlons souvent de vous. Faites mention de moi en Bretagne[1].




LETTRE 3.


LA MÊME À LA MÊME.


Compiègne, 30 juillet 1740.

Je suis persuadée, madame, que vous prenez part à ce qui me regarde : ainsi il ne me fallait pas d’excuse d’avoir tardé à me faire votre compliment sur la perte que je viens de faire[2]. Je me doutais bien que vous n’en saviez rien ; je compte trop sur votre amitié, pour douter un moment que vous êtes capable de m’oublier, et, à vous parler franchement, je n’imagine jamais ce qui peut me faire de la peine : c’en serait une véritable pour moi, si je pouvais prévoir que vous fussiez un moment sans m’aimer. Sans fadeur, je vous trouve si aimable et si fort à mon gré, passez-moi ce terme, que je serais furieuse si vous étiez assez mal née pour n’avoir pas pour moi un peu de bonté ; car, en vérité, vous avez peu de gens qui vous soient aussi tendrement attachés : je le disputerais quasi à madame de Rochefort, à qui je vous prie de faire mille compliments. Je ne vous en ferai point à vous en finissant ma lettre : je vous dirai tout crûment que je vous aime et que je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. En réponse aux compliments des Forcalquier et des Brancas, alors en Bretagne pour la tenue des États. (L.)
  2. Son beau-père, le comte du Luc, frère de l’archevêque de Paris. V. Mémoires du duc de Luynes, t. III, p. 215. (L.)