Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/23

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l’empire. On ne regarde point qui vous êtes, mais la personne que vous représentez.

Non seulement les mandarins, les Grands de la cour, et même les premiers princes du sang se prosternent en présence de l’empereur, mais encore ils portent souvent le même respect à son fauteuil, à son trône, et à tout ce qui sert à son usage, et quelquefois ils vont jusqu’à se mettre à genoux à la vue de son habit, et de sa ceinture. Ce n’est pas qu’ils s’aveuglent sur ses défauts, ou qu’ils les approuvent : au fond du cœur ils blâment ses vices ; et ils le condamnent, lorsqu’il se livre à la colère, à l’avarice, ou à d’autres passions honteuses ; mais ils croient devoir donner publiquement ces marques d’une profonde vénération pour leur prince, afin de maintenir la subordination si essentielle à tout bon gouvernement, et d’inspirer par leur exemple aux peuples, la soumission et l’obéissance qu’ils doivent à ses ordres.


Ses titres.

C’est ce profond respect qui les porte à donner à leur empereur les titres les plus superbes : ils le nomment Tien tsee, fils du Ciel ; Hoang ti, auguste et souverain empereur ; Ching hoang, saint empereur ; Chao ting, palais royal ; Van soui, dix mille années : ces noms et plusieurs autres semblables, ne font pas seulement connaître le respect que ses sujets ont pour sa personne, mais ils marquent encore les vœux qu’ils font pour sa conservation.

Il n’y a personne de quelque qualité et de quelque rang qu’il soit, qui ose passer à cheval ou en chaise devant la grande porte de son palais ; dès qu’il en approche, il doit mettre pied à terre, et ne remonter à cheval qu’à l’endroit marqué : car on a déterminé le lieu où l’on doit descendre, et celui où l’on peut remonter.

Chaque semaine ou chaque mois il y a des jours fixés, où tous les Grands doivent s’assembler en habits de cérémonie dans une des cours du palais, pour lui rendre leurs hommages, quoiqu’il ne paraisse pas en personne, et se courber jusqu’à terre devant son trône. S’il tombe malade, et qu’il y ait à craindre pour sa vie, l’alarme est générale : on a vu alors les mandarins de tous les ordres, s’assembler dans une vaste cour du palais, y passer le jour et la nuit à genoux, pour donner des marques de leur douleur, et pour obtenir du Ciel le rétablissement de sa santé, sans craindre ni les injures de l’air, ni la rigueur de la saison. L’empereur souffre, cela suffit ; tout l’État souffre dans sa personne, et sa perte est l’unique malheur que ses sujets doivent craindre.


Quand il paraît en public.

Au milieu des cours du palais impérial il y a un chemin pavé de grandes pierres, sur lequel l’empereur marche quand il sort : si l’on passe par ce chemin, il faut se presser et courir assez vite ; c’est une marque de respect qui s’observe, lorsqu’on passe devant une personne d’un caractère distingué. Mais il y a manière de courir, et en cela les Chinois trouvent de la bonne grâce, comme on en trouve en Europe à bien faire la révérence. C’est à quoi nos premiers missionnaires durent s’exercer, lorsqu’ils allèrent saluer le feu empereur à leur arrivée à Peking. Après avoir passé huit grandes cours, ils arrivèrent à son appartement : il était dans un cong (c’est