Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/212

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— Il a été empoisonné avec une mixture d’arsenic, dit-il.

— Vous en êtes sûr ?

— Comme si je l’avais préparée moi-même.

— Et le contre-poison ?…

René secoua la tête.

— Comment, dit Charles d’une voix rauque, vous ne connaissez pas de remède ?

— Le meilleur et le plus efficace est des blancs d’œufs battus dans du lait ; mais…

— Mais… quoi ?

— Mais il faudrait qu’il fût administré aussitôt, sans cela…

— Sans cela ?

— Sire, c’est un poison terrible, reprit encore une fois René.

— Il ne tue pas tout de suite cependant, dit Charles.

— Non, mais il tue sûrement, peu importe le temps qu’on mette à mourir, et quelquefois même c’est un calcul.

Charles s’appuya sur la table de marbre.

— Maintenant, dit-il en posant la main sur l’épaule de René, vous connaissez ce livre ?

— Moi, sire ! dit René en pâlissant.

— Oui, vous ; en l’apercevant vous vous êtes trahi.

— Sire, je vous jure…

— René, dit Charles, écoutez bien ceci : Vous avez empoisonné la reine de Navarre avec des gants ; vous avez empoisonné le prince de Porcian avec la fumée d’une lampe ; vous avez essayé d’empoisonner M. de Condé avec une pomme de senteur. René, je vous ferai enlever la chair lambeau par lambeau avec une tenaille rougie, si vous ne me dites pas à qui appartient ce livre.

Le Florentin vit qu’il n’y avait pas à plaisanter avec la colère de Charles IX, et résolut de payer d’audace.

— Et si je dis la vérité, sire, qui me garantira que je ne serai pas puni plus cruellement encore que si je me tais.

— Moi.

— Me donnerez-vous votre parole royale ?

— Foi de gentilhomme, vous aurez la vie sauve, dit le roi.

— En ce cas, ce livre m’appartient, dit-il.

— À vous ! fit Charles en se reculant et en regardant l’empoisonneur d’un œil égaré.