Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/27

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Madame de Sauve obéit à cet ordre formel ; mais ses yeux et sa voix fonctionnaient seuls. Sa pensée errante sur d’autres objets lui représentait un danger terrible suspendu sur une tête chérie. Enfin, après quelques minutes de ce combat, elle se trouva tellement oppressée entre l’émotion et l’étiquette que sa voix cessa d’être intelligible ; le livre lui tomba des mains, elle s’évanouit.

Soudain un fracas plus violent se fit entendre ; un pas lourd et pressé ébranla le corridor ; deux coups de feu partirent faisant vibrer les vitres ; et Catherine, étonnée de cette lutte prolongée outre mesure, se dressa à son tour, droite, pâle, les yeux dilatés ; et au moment où le capitaine des gardes allait s’élancer dehors, elle l’arrêta en disant :

— Que tout le monde reste ici, j’irai moi-même voir là-bas ce qui se passe.

Voilà ce qui se passait, ou plutôt ce qui s’était passé :

De Mouy avait reçu le matin des mains d’Orthon la clef de Henri. Dans cette clef, qui était forée, il avait remarqué un papier roulé. Il avait tiré le papier avec une épingle.

C’était le mot d’ordre du Louvre pour la prochaine nuit.

En outre, Orthon lui avait verbalement transmis les paroles de Henri qui invitaient de Mouy à venir trouver à dix heures le roi au Louvre.

À neuf heures et demie, de Mouy avait revêtu une armure dont il avait plus d’une fois déjà eu l’occasion de reconnaître la solidité ; il avait boutonné dessus un pourpoint de soie, avait agrafé son épée, passé dans le ceinturon ses pistolets, recouvert le tout du fameux manteau cerise de La Mole.

Nous avons vu comment, avant de rentrer chez lui, Henri avait jugé à propos de faire une visite à Marguerite, et comment il était arrivé par l’escalier secret juste à temps pour heurter La Mole dans la chambre à coucher de Marguerite, et pour prendre sa place aux yeux du roi dans la salle à manger. C’était précisément au moment même que, grâce au mot d’ordre envoyé par Henri et surtout au fameux manteau cerise, de Mouy traversait le guichet du Louvre.

Le jeune homme monta droit chez le roi de Navarre, imitant de son mieux, comme d’habitude, la démarche de La Mole. Il trouva dans l’antichambre Orthon, qui l’attendait.

— Sire de Mouy, lui dit le montagnard, le roi est sorti, mais il m’a ordonné de vous introduire chez lui et de vous