Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/54

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bien peur pour vous ; mais sans doute Dieu a exaucé ma prière.

— Qu’est-il donc arrivé ? dit Henri.

— Vous le saurez en rentrant chez vous. Ne vous inquiétez point d’Orthon, je l’ai recueilli.

Et la jeune femme descendit rapidement, croisant Henri comme si c’était par hasard qu’elle l’eût rencontré sur l’escalier.

— Voilà qui est bizarre, se dit Henri ; que s’est-il donc passé ? qu’est-il arrivé à Orthon ?

La question malheureusement ne pouvait être entendue de madame de Sauve, car madame de Sauve était déjà loin.

Au haut de l’escalier Henri vit tout à coup apparaître une autre ombre ; mais celle-là, c’était celle d’un homme.

— Chut ! dit cet homme.

— Ah ! ah ! c’est vous, François !

— Ne m’appelez point par mon nom.

— Que s’est-il donc passé ?

— Rentrez chez vous, et vous le saurez ; puis ensuite glissez-vous dans le corridor, regardez bien de tous côtés si personne ne vous épie, entrez chez moi, la porte sera seulement poussée.

Et il disparut à son tour par l’escalier, comme ces fantômes qui au théâtre s’abîment dans une trappe.

— Ventre-saint-gris ! murmura le Béarnais, l’énigme se continue ; mais puisque le mot est chez moi, allons-y, et nous verrons bien.

Cependant ce ne fut pas sans émotion que Henri continua son chemin ; il avait la sensibilité, cette superstition de la jeunesse. Tout se reflétait nettement sur cette âme à la surface unie comme un miroir, et tout ce qu’il venait d’entendre lui présageait un malheur.

Il arriva à la porte de son appartement et écouta. Aucun bruit ne s’y faisait entendre. D’ailleurs, puisque Charlotte lui avait dit de rentrer chez lui, il était évident qu’il n’avait rien à craindre en y rentrant. Il jeta un coup d’œil rapide autour de l’antichambre, elle était solitaire ; mais rien ne lui indiquait encore quelle chose s’était passée.

— En effet, dit-il, Orthon n’est point là.

Et il passa dans la seconde chambre.

Là tout fut expliqué.