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LA REINE MARGOT.

Maurevel laissa échapper un soupir de désespoir.

— Vous l’appeliez votre père, je crois, continua impitoyablement le roi, et une tendre amitié vous liait au jeune de Mouy, son fils ?

Maurevel, toujours à genoux, se courbait de plus en plus écrasé sous la parole de Charles IX, debout, impassible et pareil à une statue dont les lèvres seules eussent été douées de vie.

— À propos, continua le roi, n’était-ce pas dix mille écus que vous deviez toucher de M. de Guise au cas où vous tueriez l’amiral ?

L’assassin, consterné, frappait le parquet de son front.

— Quant au sieur de Mouy, votre bon père, un jour vous l’escortiez dans une reconnaissance qu’il poussait vers Chevreux. Il laissa tomber son fouet et mit pied à terre pour le ramasser. Vous étiez seul avec lui, alors vous prîtes un pistolet dans vos fontes, et, tandis qu’il se penchait, vous lui brisâtes les reins ; puis le voyant mort, car vous le tuâtes du coup, vous prîtes la fuite sur le cheval qu’il vous avait donné. Voilà l’histoire, je crois ?

Et comme Maurevel demeurait muet sous cette accusation, dont chaque détail était vrai, Charles IX se remit à siffler avec la même justesse et la même mélodie le même air de chasse.

— Or çà, maître assassin, dit-il au bout d’un instant, savez-vous que j’ai grande envie de vous faire pendre ?

— Oh ! Majesté ! s’écria Maurevel.

— Le jeune de Mouy m’en suppliait encore hier, et en vérité je ne savais que lui répondre, car sa demande est fort juste.

Maurevel joignit les mains.

— D’autant plus juste que, comme vous le disiez, je suis le père de mon peuple, et que, comme je vous répondais, maintenant que me voilà raccommodé avec les huguenots ils sont tout aussi bien mes enfants que les catholiques.

— Sire, dit Maurevel complètement découragé, ma vie est entre vos mains, faites-en ce que vous voudrez.

— Vous avez raison, et je n’en donnerais pas une obole.

— Mais, sire, demanda l’assassin, n’y a-t-il donc pas un moyen de racheter mon crime ?

T.I.
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