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LA REINE MARGOT.

— Ma sœur, s’écria Marguerite en s’élançant vers Claude, qu’avez-vous ?

— Rien, dit Catherine en passant entre les deux jeunes femmes, rien : elle a cette fièvre nerveuse que Mazille lui recommande de traiter avec des aromates.

Et elle serra de nouveau et avec plus de vigueur encore que la première fois le bras de sa fille aînée ; puis, se retournant vers la cadette :

— Çà, Margot, dit-elle, n’avez-vous pas entendu que, déjà, je vous ai invitée à vous retirer chez vous ? Si cela ne suffit pas, je vous l’ordonne.

— Pardonnez-moi, Madame, dit Marguerite tremblante et pâle, je souhaite une bonne nuit à Votre Majesté.

— Et j’espère que votre souhait sera exaucé. Bonsoir, bonsoir.

Marguerite se retira toute chancelante en cherchant vainement à rencontrer un regard de son mari, qui ne se retourna pas même de son côté.

Il se fit un instant de silence pendant lequel Catherine demeura les yeux fixés sur la duchesse de Lorraine, qui de son côté, sans parler, regardait sa mère les mains jointes.

Henri tournait le dos, mais voyait la scène dans une glace, tout en ayant l’air de friser sa moustache avec une pommade que venait de lui donner René.

— Et vous, Henri, dit Catherine, sortez-vous toujours ?

— Ah ! oui ! c’est vrai ! s’écria le roi de Navarre. Ah ! par ma foi ! j’oubliais que le duc d’Alençon et le prince de Condé m’attendent : ce sont ces admirables parfums qui m’enivrent et, je crois, me font perdre la mémoire. Au revoir, Madame.

— Au revoir ! Demain, vous m’apprendrez des nouvelles de l’amiral, n’est-ce pas ?

— Je n’aurai garde d’y manquer. Eh bien, Phébé ! qu’y a-t-il ?

— Phébé ! dit la reine mère avec impatience.

— Rappelez-la, Madame, dit le Béarnais, car elle ne veut pas me laisser sortir.

La reine mère se leva, prit la petite chienne par son collier et la retint, tandis que Henri s’éloignait le visage aussi calme et aussi riant que s’il n’eût pas senti au fond de son cœur qu’il courait danger de mort.

Derrière lui, la petite chienne lâchée par Catherine de Mé-